Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 12/01/2023.

En mars dernier, le sénateur des Hauts-de-Seine André Gattolin soulignait qu'« en France, parler du Maroc est quelque chose d'extrêmement difficile ». En janvier, trois mois auparavant, Marc Baudriller s'indignait déjà de la veulerie de la France macronienne à l'égard du Maroc et du Qatar, impliqués dans scandale de corruption, inédit par son ampleur, au sein du Parlement européen.

Ce 11 janvier, le quotidien belge Le Soir a livré à ses lecteurs un long récit retraçant les origines et le déroulement de l’incroyable coup de filet exécuté par la police du plat pays chez la députée européenne grecque Éva Kaïlí et ses amis italiens ou belges.

Cette édifiante enquête arrive un mois après ce coup de tonnerre dans les institutions européennes, révélant soudain à quel point certains palpaient tranquillement l’argent de la honte, celui de deux pays qu’il faut citer, deux pays qui clament leur innocence, bien sûr, mais qui apparaissent dans ce dossier comme des forces de corruption et d’ingérence hostiles au sein du Parlement comme on n'en avait jamais vu jusqu'ici. Ces deux pays sont le Maroc et le Qatar.

Corruption active, espionnage, influence, le récit du Soir révèle les détails et la face cachée des intrigues de ces deux « amis » de la France qui œuvrent dans leur intérêt par tous les moyens au sein d'institutions européennes. Des institutions qui font la morale aux peuples rebelles (les Tchèques, les Polonais, l’Italie de Melloni peuvent en témoigner) et ont a minima besoin de balayer devant leur porte. Le Soir évoque une « UE groggy », « entre perquisitions spectaculaires, valises d’argent cash et révélations sur les rôles présumés du Maroc et du Qatar ». Et raconte.

Au printemps 2022, une équipe de la Sûreté de l’État fait une irruption discrète au domicile de Pier Antonio Panzeri, 67 ans, député européen de 2004 à 2019, président de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen (2017-2019) et membre du parti européen S&D (Socialistes et démocrates). Les policiers belges ouvrent des yeux ronds. « Sous le lit de la chambre, une valise de voyage noire à roulettes, révèle Le Soir. Lorsque les agents ouvrent la fermeture éclair, ils trouvent quatre paquets emballés dans un sac en plastique rouge C&A et un cabas en plastique de l’enseigne Carrefour. Les colis contiennent pas moins de 7.601 billets de 50 euros, l’ensemble valant 380.050 euros. » Un peu plus loin, dans la garde-robe de Panzeri, un coffre-fort à serrure numérique recèle 320.000 euros supplémentaires. « Les agents photographient le magot et quittent les lieux, rien ne trahit leur visite inopinée. »

Un service de renseignement ami (lequel ? Ressortissant de quel pays ? L’enquête du Soir ne le dit pas) a fourni aux Belges des informations très fiables. « Cette intrusion s’inscrit dans une enquête initiée en 2021 par la Sûreté sur l’ingérence d’une puissance étrangère : des proches du Parlement européen […] auraient été soudoyés par les services secrets marocains, la DGED, poursuit Le Soir. En retour, ces suspects influenceraient secrètement des déclarations et les résolutions du Parlement européen. Ils seraient même parvenus à faire nommer des députés dans certaines commissions. »

Panzeri proteste de son innocence. Mais « les renseignements belges le suspectent néanmoins d’être parvenu, sur ordre de commanditaires marocains, à infiltrer la commission d’enquête Pegasus mise en place au Parlement européen en mars 2022 afin d’investiguer sur l’utilisation de logiciels espions en Europe », précise toujours le quotidien belge, en pointe sur la couverture de cette affaire.

Imaginons. Imaginons que des députés européens aient été pris la main dans le sac, que des valises de billets aient été trouvées chez eux et que le corrupteur présumé s’appelle… la Russie. Imaginons, une seconde, la réaction française. Campagne médiatique, déclarations du chef de l’État, du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères. Rupture des relations diplomatiques, mesures de rétorsions…

Rien de tel de la part de la France vis-à-vis de nos amis du Maroc et du Qatar. Bien au contraire. Macron fut tout miel au Qatar pendant la Coupe du monde et n'a pas exprimé le moindre malaise vis-à-vis de l'émirat depuis le pataquès européen. Mais il y a pire. Le 16 décembre 2022, soit une semaine après (bien après !) l’interpellation de la députée européenne Kaïlí, le ministre des Affaires étrangères français Catherine Colonna se rend en voyage officiel à Rabat, au Maroc. Pour protester ? Pas vraiment... Pour ce pays qui nous envoie un grand nombre d’immigrés clandestins, fournit à nos prisons le deuxième contingent d’étrangers (après l’Algérie) et refuse de reprendre ses OQTF, le ministre n’a pas de mots assez tendres.

« Je voudrais dire tout d'abord que je suis très heureuse d'être ici, aujourd'hui, au Maroc, un grand pays, un pays ami, et, pour la France, un partenaire d'exception », commence Colonna. Cette belle amitié ne souffre aucun nuage. « En résumé, je dirais que notre volonté est simple : c'est d'être dans une relation de partenariat […] exemplaire avec le Maroc, un partenariat d’exception, un partenariat fraternel et un partenariat moderne. » N’en jetez plus ! Rappelons que le coup de filet a une semaine. Que le Maroc est impliqué dans cette affaire jusqu'au cou. Peu importe. La crise diplomatique née du blocage des OQTF est levée sans que la France ait du reste obtenu la moindre faveur apparente...

Faiblesse, veulerie, aplatissement, la Macronie européiste, plus vraie que nature, est à l’image d’une Europe qui, elle aussi, frappe par l’absence de ses réactions vis-à-vis de ces deux pays « amis ». Le constat est pourtant simple : avec des amis de cette qualité, la France et l'Europe n’ont plus besoin d’ennemis.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:19.

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12 janvier 2020 à 14:30

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67 commentaires

  1. Impossible de ne pas s’associer au concert d’indignations exprimées dans les commentaires ci dessous.

  2. Certaines entreprises françaises sont bien contentes d’avoir des « plateaux techniques » au Maroc (ORANGE, SFR etc…) le personnel marocain est d’ailleurs très aimable et compétent. Pourquoi ces Marocains ne viennent-ils pas travailler en France, pourquoi??? Nous ne récupérons que les « sans compétences ». J’aime bien le Maroc, pour les vacances, et les Marocains sont supers, chez eux! Mais en France, c’est une autre histoire.

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