Au PS, c’est Black Friday tous les Fridays !

Il est toujours intéressant de scruter les soubresauts des partis politiques en phase de décomposition et, de ce point de vue, le cas du PS est un exemple d'anthologie.

Coincé entre Macron et Mélenchon, durablement abîmé par M. Hollande qui ne cesse, tel un mauvais génie, de manifester son existence – et, avec elle, son bilan désastreux et son impopularité durable –, il ne parvient pas à se remettre des 6 % réalisés par M. Hamon à la présidentielle, et de sa déroute aux législatives de juin. Et pour un parti qui, au pouvoir ou dans l'opposition, avait l'habitude depuis quarante ans de jouer dans la cour des grands, c'est une vraie relégation. Et d'abord financière. Le siège de la rue de Solférino va être mis en vente et les deux tiers de la centaine de permanents vont être licenciés. Dans les fédérations aussi, ce sera l'heureux retour au bénévolat. Toujours bienvenu pour mesurer vraiment la force d'attractivité du PS !

Mais, plus que les chiffres et les courbes qui plongent, rien n'est plus révélateur que les comportements humains et tout ce que nous ont appris, à ce niveau, les événements de ces dernières semaines au PS.

Il y eut d'abord, en pleine campagne #balance ton porc, les révélations et les plaintes de jeunes femmes du parti contre l'ancien président des MJS, révélées par Libération. La semaine suivante, on eut droit à des révélations concernant les pratiques tout aussi sexistes et violentes de certains responsables de l'UNEF, dans Le Monde. MJS, UNEF : ces pépinières de jeunes pousses PS qui sont devenues les éléphants – ou, pour certains, des porcs, à en croire ces militantes.

Pour un parti dans lequel les leaders masculins étaient lyriques et intarissables sur les thématiques féministes d'égalité hommes/femmes, c'était... comment dire... un peu comme si vous aviez pris votre paysan bio en train de déverser du glyphosate autour des belles carottes que vous croquez avec une délectation innocente.

C'était d'autant plus gênant que des voix autorisées nous révélaient qu'en fait, tout le monde savait, mais qu'il y avait « omerta ». De quoi jeter une nécessaire suspicion sur tout ce petit monde socialiste : hommes et femmes, d'ailleurs. Car si tout le monde savait, les femmes en responsabilité aussi, non ? Et l'on se disait qu'au lieu de vouloir régénérer les mentalités de nos enfants à coups d'Agenda du genre ou autres bêtises du même genre dans les écoles, toutes ces bonnes âmes auraient pu commencer par organiser quelques stages appropriés lors des universités d'été du PS... ou des groupes de parole pour libérer la parole.

Mais, finalement, les langues ne se sont déliées qu'à la faveur de l'effondrement du PS : les puissants ne l'étaient plus, les carrières n'étaient plus assurées ni attractives au PS, donc on a parlé. Et on a su - un peu - la vérité.

Puis est venu l'épisode Filoche.

Et ce vendredi, dans un autre registre, on a appris la nomination du député socialiste de l'Ardèche M. Dussopt comme secrétaire d'État chargé de la Fonction publique. Réputé aubryste et vallsiste, il est devenu macroniste par la grâce d'un nouveau Black Friday (c'est un cadre du PS qui parle lui-même de "novembre noir" pour le parti, d'après Le Parisien), et chargé d'appliquer une politique et un budget contre lequel il avait voté trois jours avant. Il suffisait d'entendre Mme Rossignol, sénatrice PS, lui dire ses quatre vérités et s'en prendre à son président de groupe socialiste, M. Guillaume, qui, lui, félicitait l'heureux élu, pour tester l'ambiance qui règne dans ce qu'il va bien falloir appeler un micro-parti.

C'est peut-être la morale de toutes ces histoires : pour savoir la vérité sur ces maisons historiques ayant eu pignon sur rue pendant des décennies, il faut en attendre la chute. Nous y sommes. À qui le tour ?

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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