Privé de retraite, un octogénaire doit se battre pour prouver qu’il est vivant

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L’histoire, relatée par Le Berry républicain, ressemble à un sketch de Raymond Devos. À Bourges, un octogénaire a dû se démener durant trois mois pour prouver… qu’il n’était pas mort. Le versement de la retraite de cadre ingénieur de François avait été interrompu au motif d’une « suspicion de décès », rapporte Pierrette, son épouse, encore stupéfaite. On peut aisément comprendre la détresse d’un ménage âgé privé de sa source principale de revenus durant une si longue période. L’intéressé a finalement eu gain de cause, le 13 avril dernier, non sans avoir fait appel à moult associations de consommateurs, au Défenseur des droits, etc. L’organisme n’a pas su ou voulu donner d’explication au journal local.

L’épisode ne serait qu’anecdotique s’il n’était pas magnifiquement symbolique. Car il survient - coïncidence tragique - au moment où la question des fameux retraités centenaires outre-Méditerranée refait surface, à l’occasion du débat sur la fraude sociale. « Ah, l’Algérie ! Ses palmiers, son désert, ses vieillards immortels… », écrivait, ironiquement, le magazine Capital en décembre 2019. C’est la Cour des comptes qui avait levé le lièvre : « Pour continuer de toucher la pension de son mari défunt, il suffit d’oublier de déclarer sa mort ! En France, où l’état civil est bien tenu, ce n’est guère possible. Mais lorsqu’on est revenu s’installer en Afrique du Nord… » peut-on encore lire dans Capital. Au pays des ronds-de-cuir de Courteline, non seulement on ne peut pas oublier de déclarer sa mort, mais on peut même aussi la voir fortuitement déclarée de son vivant. Quel zèle ! Gageons que dans le même temps, feu les centenaires algériens ont continué de percevoir leur non-dû.

Et l’on peut tirer le fil à l’infini. Consulter les pages de la presse quotidienne régionale n'est même pas nécessaire, nous en avons tous dans notre entourage.

Béatrice, mère au foyer francilienne, voulait emmener ses enfants collégiens, qui commencent à pratiquer la langue de Shakespeare, à Londres pour les vacances de Pâques. Depuis le Brexit, il faut un passeport. Les mairies de France et de Navarre auxquelles elle s’est adressée en février lui ont ri au nez, comme si elle faisait une demande extravagante : tout le monde sait qu’il faut désormais six mois de délai ! Alors qu'une immigration clandestine entre chez nous avec une facilité déconcertante, les Français parfaitement en règle sont interdits… de sortie, faute de pouvoir obtenir des papiers dans un laps de temps raisonnable. En raison de services publics défaillants, ils sont devenus des sans-papiers de l’intérieur. Les frontières sont ouvertes, mais à sens unique.

Théo a 18 ans, il habite l’Aveyron. Apprenti pâtissier, en cette période de Pâques, en plus de ses tâches ordinaires, il a dû donner un coup de main pour garnir les boîtes de chocolats. Le soir, il s’affale sur le canapé familial et regarde avec ses parents la télé, passablement éberlué : de jeunes étudiants à peine plus âgés que lui ont tout dévasté à l'université de Bordeaux, de Toulouse, de Caen… Les coûts du saccage pourraient s'élever à plusieurs centaines de milliers d'euros, selon les universités. À Bordeaux, les bâtiments, raffinés et chargés d’Histoire, ne rouvriront pas, dit-on, avant la rentrée de septembre. Ils ont été délogés au bout de plusieurs jours, voire, pour certains, d’un mois, « dans le calme ». Théo n'en revient pas : que se serait-il passé s'il avait eu la fantaisie de faire la même chose dans la boutique de son patron ? Il lui est arrivé, quant à lui, plus souvent qu’à son tour, dans sa vieille voiture, d'être « flashé » sur une route secondaire. Il faut dire qu'il travaille dans le Lot, un département limitrophe du sien où la limitations de vitesse est restée à 80 km/h. Les étudiants des villes, en transports en commun, n'ont pas ces soucis. Comment cette différence de traitement entre la jeunesse du petit matin qui construit et la jeunesse du Grand Soir qui détruit ne rendrait-elle pas la première amère ? C’est ce courroux silencieux que, sans doute, veut éteindre Gérald Darmanin en signant la fin du retrait de points pour les petits excès de vitesse. Mais il reste l’amende…

La France ressemble à un enclos dans lequel des chevaux de trait dociles, tenus au bout d’une longe, parfois avec des œillères, tournent en rond docilement. Gare à eux s’ils tentent une incartade, on leur tape aussitôt sur le nez et, dressés, ils rentrent aussi sec dans le rang. On a fini par les mépriser à force de les maîtriser. Tout autour, à l’extérieur, s’égayent dans les champs des poneys sauvages, venus des banlieues et de l’ultra-gauche, que l’on n’a jamais débourrés et que, pour cela, on admire et on craint, sans trop les approcher car un coup de sabot est vite arrivé. Tout est permis, et on trouve même un charme romantique, façon Michel Déon, à « ces poneys aux longs poils humides, brillants comme de la soie » qui « broutent l’herbe éclatante de la rosée ». Sauf que - comment dire ? - les chevaux de trait commencent à en avoir sérieusement leur claque d’entretenir de leurs impôts lesdits charmants canassons et de morfler à leur place quand ceux-ci gambadent en toute impunité.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

50 commentaires

  1. Vivant de l’ASPA, j’ai bénéficié en même temps de la CSS. Au bout de la 1ère année, j’ai été informé que la CSS n’était plus prise en charge par la compagnie privée. La SS m’a proposé de passer par elle. 1ère année : pas de problème. Mais l’an dernier, on m’a d’abord demandé ma déclaration de revenus. Puis on m’a expliqué que mes revenus’ bien inférieurs au 1er plafond (gratuité complète) était dépassé et que je rentrais dans la catégorie « CSS avec participation annuelle de 300€ ».
    J’ai fourni un relevé détaillé de tout ce que je percevais, mois par mois, sur mon compte bancaire, la SS m’a assuré de l’exactitude de ses calculs. Elle m’a même expliqué m’avoir fait une ristourne exceptionnelle pour que je puisse quand même bénéficier de la CSS.
    J’ai donc déposé un recours devant le médiateur de la SS qui, après 1 mois, m’a confirmé l’infaillibilité de la décision initiale. Et, récemment, la mensualité de 25€ a augmenté de 10% sans avertissement.
    Je suppose donc que je paie pour les quelques millions d’assurés fantômes qui creusent le « trou de la Sécu ».

  2. Je poursuivrai l’analogie chevaline en précisant que certains tenaient un début de solution en en faisant des lasagnes.

  3. Pour moi, la solution est très simple : Aller dans les bureaux de cette administration, s’y installer (eau, sandwichs) et leur annoncer tranquillement que vous y resterez jusqu’à ce que votre affaire soit résolue. Et là vous allez les voir s’affoler car évidemment ils ne pourront pas vous expulser, y compris par la police, puisque vous êtes censé être mort.

  4. Supprimer les points en moins aura un avantage. On pourra continuer à conduire, sans être dangereux, pour avoir encore des amendes à payer…pas fou, le Darmanin !

  5. Ce parallèle avec les chevaux est très romantique et si vrai. C’est rafraîchissant dans cette période d’échauffements. Macron et sa bande (de corrompus) est entrain de voler les français de leurs richesses, matérielles, financières et intellectuelles. Tout est fait pour favoriser ce gigantesque détournement de fonds.

  6. Triste réalité d’un pays ou les voyous obtiennent tout grâce aux honnêtes citoyens qui bossent et paient . Combien de temps cela peut il durer avant que le peuple laborieux se révolte . La coupe est pleine , tout cela va mal finir .

  7. J’ai eu une expérience similaire. Pendant six mois je n’ai pas perçu ma pension, malgré plusieurs courriers, sans réponse. Or en début de l’année suivante je reçu l’arriéré. Or vous ne devez déclarer que les sommes perçus. Or cela est une punition puisque la base n’est plus la même.vous êtes imposable non pas sur 12 mois mais sur 18 mois , d’où une distorsion de vos revenus. Là, la caisse jubile en vous disant vous avez été contrôlé , et le temps du contrôle est d’un an. Le font-ils pour le Maghreb ? Certainement pas deux poids, deux mesures.comme d’habitude.

    • Pour ma part, j’ai perçu dès mon départ une pension « plein-pot » (environs 65% de mon dernier salaire net) durant 3 mois, avant d’enfin avoir la masse de papiers à remplir à la fin du mois d’aout (submergée par d’autres impératifs familiaux) soit 14 mois après ma demande formelle de retraite et 5 mois après mon départ. Trouvant que ce premier calcul de pension était bizarre et ne correspondait pas à mes propres calculs, je l’ai signalé à plusieurs reprises , mais on m’a répondu que je n’avais aucun soucis à me faire.. Bon. à N+ 13 mois régularisation O K toutes caisses (4) additionnées: 38% de l’ancien net, ceci avant mutuelle et impôts. Roule ma poule, avec le nouveau budget permettant à peine de s’habiller. Or, surprise ! : 3 ans après, je reçois une mise en demeure d’huissier pour recouvrement de trop payé soit-disant signalé à 3 reprises (à la mauvaise adresse, en soit-disant recommandé, alors que mon adresse de replis avait été largement signalée et réitérée à tous les organismes ad hoc): Les abrutis de fonctionnaires classe C; B. et signé A ont soutenu mordicus que j’étais en tord et j’ai dû en une fois, petite retraitée à tout petit budget, leur (Trésor public) verser l’équivalent de 4 mois d’ancien salaire plein (pénalités et intérêts inclus) en empruntant à des membres de ma famille, faute de pépètes.. Belle opération ! Vous avez dit des retraités- boomers – cadres- bobos heureux qui jouissent de la vie au soleil entre leurs résidences secondaires ??

  8. Cet honnête homme, plutôt que de se battre contre une administration pléthorique, n’a qu’à demander la double nationalité, franco algérienne. Il n’aura plus rien à prouver pour toucher sa retraite bien méritée, et cela même jusqu’à l’âge de 150 ans ….

  9. J ’ai trop d’affection pour les chevaux et les poneys même sauvages pour les comparer avec ces voyous délinquants qui nous pourrissent la vie avec le soutien de Macron et des magistrates.

  10. Le Maire ce tartuffe qui va s’attaquer aux fraudes multiples après six ans de mandat Macron, il va aussi s’attaquer au problème du payement des retraites aux nombreux centenaires Algériens ?

  11. Oui BV allez enquêter du côté de la caisse de retraite

    J’attends juste un document de leur part pour pouvoir toucher mes indemnités de … chômage

    Demande faite en janvier, traitement du dossier en avril, délai moyen de traitement…6 mois

    Bref l’administration française

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