La semaine dernière, Christophe Castaner dégageait en boîte de nuit. Cette semaine, il dégage le préfet de police de Paris : entre pétage de plombs et remplacement de fusibles, ambiance électrique au ministère de l'Intérieur !

Certes, c’est bien connu, un préfet, ça sert de fusible. C’est un peu comme ça que la chose a été conçue, dès l’origine, c’est-à-dire lorsque Napoléon Bonaparte, Premier Consul, institua la fonction en 1800. Il ne partait pas de rien, d’ailleurs, les préfets étaient à certains égards les successeurs des intendants de l’Ancien Régime.

On pourrait donner des dizaines d’exemples de préfets relevés de leur fonction du jour au lendemain par le pouvoir politique. Sans remonter aux origines, on peut évoquer le limogeage du préfet de l’Isère, en juillet 2010, sous Sarkozy, après que le quartier de la Villeneuve avait connu plusieurs jours d’émeutes. Sous l’actuel règne d’Emmanuel Macron, on se souvient que le préfet du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes avait été relevé de ses fonctions par Gérard Collomb après l’assassinat de deux jeunes filles, le 1er octobre 2017, à la gare Saint-Charles de Marseille, par un Tunisien qui n’aurait pas dû se balader dans la nature et n'avait rien à faire sur notre territoire. Le porte-parole du gouvernement de l’époque, Christophe Castaner, avait parlé de "dysfonctionnements jugés graves". "Dysfonctionnements" : un mot qui plaît bien, fait technique et évacue un peu la notion de faute, un peu datée et moralisatrice.

Tout ça pour dire que le limogeage du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, n’est pas un événement. Ce haut fonctionnaire, âgé de 66 ans, dont le sort importe peu, finalement, dans l’Histoire qui se déroule devant nous, avait déjà un pied dans la tombe – façon de parler - et l’autre sur une plaque d’égout.

Non, ce que l’on retiendra dans cette décision qui s’imposait peut-être déjà au lendemain du saccage de l’Arc de Triomphe, ce sont les propos du ministre de l’Intérieur pour la justifier. "Des décisions, des instructions ont échappé" au préfet, a déclaré Castaner, ce mardi matin, sur LCI, ajoutant que "des consignes ont été données en dessous du préfet de police". Et, comme il est le premier flic de France et qu’il a peut-être sa police dans la police, de préciser : "Je sais où, je sais qui." Et c’est là qu’on se dit que, franchement, Christophe Castaner est vraiment gonflé. Samedi après samedi, depuis dix-huit semaines, nous avons eu droit aux « points de sit’ », aux breefings, du ministre sur les manifestations en cours, avec force détails. Tout juste si l’on ne voyait pas Castaner déplacer, sur la carte d’état-major, les compagnies de CRS et les escadrons de gendarmerie mobile, tel Napoléon sous sa tente à Austerlitz. Un ministre flanqué des plus hauts hiérarques de l’ordre public, directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationale, du secrétaire d’État, Laurent Nuñez, la caution professionnelle, histoire de faire moins amateur, et, évidemment, du préfet de police. À voir les images, on pouvait imaginer (ça sert à ça, les images, justement !) une connivence, une unité d’esprit et d’action, une fluidité dans l’échange des informations, osons le mot, une complicité entre l’échelon politique et les échelons opérationnels rassemblés en aréopage autour du ministre. On aura vu plus élégant et courageux dans la façon de justifier et assumer un limogeage...

On est tenté, alors, de se demander si ces fameuses "décisions et instructions", qui auraient donc échappé au préfet, si l’on en croit le ministre, n’ont pas aussi échappé à Castaner. Cela n’a sans doute pas échappé à Emmanuel Macron… et surtout aux Français.

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19 mars 2019 à 17:18

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