Pour leurs familles, policiers cagoulés mais identifiables !

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Après le vote, jeudi, de la loi de Sécurité globale, certains de mes confrères en dénoncent toujours l’article 24. Telle Dominique Pradalié (France 2), secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ) : « Même réécrit, il s’agit d’une véritable provocation […] un journaliste pourrait être empêché de couvrir une manifestation en étant placé en garde à vue. » N’étant surtout pas anti-SNJ ni anti-liberté de la presse, même de gauche, je forme l’espoir que ce qui s’est passé - pile le jour de ce vote - va atténuer cette colère : l’affichage « en place publique », en Seine-Saint-Denis, des photos et coordonnées de policiers et de leurs familles mettant la vie de tous en danger… Souvenons-nous du martyr du professeur Samuel Paty !

D’où cette idée : pourquoi, à l’image des RAID, GIGN et BRI, le ministre, changeant d’avis, n’autoriserait-il pas ses policiers à porter une cagoule ? Avec, pour les identifier, un numéro facile à lire en cinq ou six gros caractères ? Un indicatif personnel différent chaque jour… Une cagoule car, de nos jours, tout quidam peut filmer n’importe qui, faire une recherche « faciale » sur le Net et retrouver vous ou moi avec adresse et famille. Et, parmi les victimes, de nombreux policiers qui, à partir d’une simple photo publiée grâce à la… « liberté de la presse », ont vu leur vie familiale étalée par millions de clics !

Telle celle d’Alain, gardien de la paix, filmé lors d’une manifestation non déclarée. Linda Kebbab, syndicaliste FO, dans son excellent Gardienne de la paix et de la révolte (Stock, 2020), cite Alain : « Ma photo a été publiée partout, plus de 10.000 fois déjà. Je suis marié, j’ai des enfants, que puis-je faire pour [les] protéger ? […] il y a un nombre incalculable de commentaires tous plus haineux et menaçants les uns que les autres. » Alain ne veut pas « [se] poser en victime mais je ne suis pas rassuré pour […] ma famille ». Et qu’a fait sa hiérarchie pour protéger celle-ci ? Rien ! « Ainsi donc, note Linda Kebbab, un policier dans l’exercice de ses fonctions ne peut s’opposer à la diffusion de son image, son visage « appartenant » à l’État […] livré en pâture sur les réseaux sociaux, l’État… soudain se désolidarise en se mettant aux abonnés absents ? »

Mais, heureusement, ce n’est pas toujours le cas : « Karim […] filmé dans une cité », son visage passe en quelques minutes sur les réseaux sociaux : « Plusieurs millions de vues. Et son domicile identifié. » Mais pour lui, heureusement, « la réaction de son directeur départemental est immédiate et responsable ». Dans la minute, la protection de sa famille est mise en place : « Comme quoi, note Linda Kebbab, lorsque la hiérarchie veut, elle peut. Je salue de tout cœur l’action de ce directeur. »

Des policiers bien identifiables mais protégés ainsi que leurs familles n’écorneraient nullement notre… ma très chère liberté de la presse.

Jacques Martinez
Jacques Martinez
Journaliste - Ancien chef d’édition à RTL (1967-2001)

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