[POINT DE VUE] Mariage de Jeff Bezos : le dieu Argent règne à Venise et c’est lui qui la tue

Après un petit tour sur le tapis rouge de Cannes, aux côtés des grandes consciences du cinéma mondialisé, et un petit tour dans l’espace à bord de sa fusée Blue Origin, le milliardaire Jeff Bezos et sa compagne sont en route pour Venise. Le créateur d’Amazon, deuxième homme le plus riche de la planète derrière Elon Musk, y vient épouser l’ancienne animatrice télé Lauren Sanchez. Et ça ne plaît pas aux Vénitiens.
On privatise la ville, ses palais, ses gondoliers
Il y a longtemps, on le sait bien, que la Sérénissime a vendu son âme au diable ; longtemps que les masques sont tombés. C’est le dieu Argent qui règne à Venise, et c’est lui qui la tue. Allégorie funeste, la ville s’enfonce dans la lagune sous le poids des hordes touristiques que les monstres des mers déversent sur les quais. C’est toujours ça de gagné, disent les édiles, sourds aux récriminations d’une population chassée de sa ville. Mais le « toujours ça » n’est pas suffisant. On pactise encore un peu plus avec le diable. On privatise la ville, ses palais, ses gondoliers. Tant qu’il y a de l’argent à se faire, pourquoi s’en priver ? Les Vénitiens peuvent bien aller se faire voir ailleurs.
Voilà onze ans, ce sont George Clooney et Amal Alamuddin qui se mariaient à Venise. Romantiques à souhait, Monsieur Nespresso et l’avocate « spécialisée dans les droits de l’homme », connue pour « son engagement dans des causes internationales », avaient « opté pour une cérémonie intime et somptueuse à l'hôtel Aman, situé dans le célèbre Grand Canal ». Hélas, la notion d’intimité des richissimes américains n’est pas celle du commun des mortels, alors les Vénitiens avaient râlé.
Cette fois, c’est pire. Depuis vendredi dernier, excédés de voir leur ville « ouverte au pillage par les ultra-riches », ils l’ont parsemée d’affiches et d’autocollants hostiles à ce mariage et ont même accroché une banderole « No space for Bezos » au campanile de la basilique San Giorgio.
Que pèsent 49.000 habitants face aux millions de dollars ?
Quant au maire Luigi Brugnaro, il est aux anges et vante, dans le Corriere della Sera, les retombées économiques « de plusieurs millions de dollars ». En effet, les sommes sont sans aucun doute astronomiques, sachant que, pour les trois jours de festivités (du 24 au 26 juin), cinq palaces ont été privatisés. Coût des nuitées : de 3.000 à 9.000 euros. C’est qu’il faut recevoir dignement les quelque 200 invités de marque, parmi lesquels Kim Kardashian, Leonardo DiCaprio, Oprah Winfrey ou encore Ivanka Trump, nous apprend RTL. Dans les palais du Grand Canal, on organisera bals et dîners comme au temps où le Doge épousait la lagune.
Et puis on a réquisitionné la flotte entière des taxis vénitiens. Le maire dit que non, les Vénitiens assurent que oui. Enfin, exacerbant la colère de la population, un quai a été spécialement aménagé pour accueillir le Koru, à savoir le plus grand voilier du monde que s’est offert Jeff Bezos pour y demander la main de sa dulcinée.
Goélette à trois mâts livrée à Majorque en 2023, le Koru mesure 127 mètres de long pour une largeur de 17 mètres. Ses mâts font plus de 70 mètres de haut et sa jauge brute, c'est-à-dire « la mesure du volume intérieur global du navire », est de 3.493 GT. Comme ce super yacht « n’a pas de place pour tout » (sic), on lui a adjoint un navire de soutien. La construction de celui-ci, baptisé Abeona, n’a coûté qu’un petit supplément de 75 millions de dollars, ce qui n’est rien comparé aux quelque 500 millions du Koru. Une goutte d’eau dans l’océan de la fortune Bezos, estimée à plus de 200 milliards de dollars.
L’abjecte marchandisation du monde
Les géants des GAFAM sont aujourd’hui individuellement plus riches que maints États. Ce sont eux qui détiennent le pouvoir, décident de ce que sera demain. L'avenir est dans leurs mains. Le mariage vénitien de Jeff Bezos n’est que la énième preuve de l’indécence obscène de tous ces milliardaires et de leurs amis, les stars hollywoodiennes, qui pensent que leur argent peut tout acheter, du patrimoine mondial à la planète Mars en passant par le ventre des femmes.
Promoteurs endiamantés du wokisme, pseudo-défenseurs des populations souffrantes, la planète leur appartient. Ils en disposent comme ils veulent, quand ils le veulent, s’approprient ses merveilles, son patrimoine et son histoire ; à l’étroit, néanmoins, ils commencent à se disputer aussi l’espace et lorgnent vers la galaxie. Leur triomphe est assis sur la lâcheté des sous-élites mondialisées, du maire de Venise au président de la start-up nation, prêts à toutes les compromissions pour une coupe de champagne. Ceux-là croient naïvement « en être » quand ils ne sont que des larbins à leur solde.
Un jour, Venise coulera car l’odeur de pourri qui plane sur la ville est avant tout celle de notre monde en décomposition.

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19 commentaires
Venise, la Sérénissime…. Ville magnifique, romantique par excellence, elle enchante ses visiteurs depuis des siècles et les transporte …. C’est une merveille, une prouesse d’architecture qu’il faut respecter et protéger du surtourisme, véritable fléau planétaire.
Bezos ferait mieux d’acheter Venise dans son intégralité ; en chasser les derniers 50000 autochtones (et livrer la cité à Airbnb) ne devrait être qu’une formalité (il peut demander des conseils à Trump, qui voulait déplacer les Gazaouis pour transformer Gaza en une super Riviera ou un Monaco bis)
Ce que Trump n’a pas réussi à grands coups de dollars, Tsahal va le faire à grands coups de pied au cul!