[Point de vue] Classes de niveaux : la volonté et les moyens sont-ils là ?

Gabriel Attal

Le SNPDEN, syndicat majoritaire chez les chefs d’établissement du public, vient de remettre un courrier à Amélie Oudéa-Castéra, intitulé « Notre alerte à la Ministre ! ». Il estime que l'instauration de groupes de niveaux au collège, décidée par Gabriel Attal avant qu'il ne devienne Premier ministre, est « contraire à [ses] valeurs » et dénonce « un projet qui souffre de nombreux freins organisationnels et des moyens insuffisants ».

« Nos valeurs, inlassablement défendues, sont profondément remises en cause par les mesures annoncées », écrit ce syndicat, soutenant « un collège pour tous, sans sélection », « une scolarité et une orientation positives, fondées sur les aptitudes d'un jeune et non sur ses insuffisances », ajoutant que « les groupes de niveaux [...] ne correspondent pas à ces valeurs ». Une opposition frontale au ministère, étonnante de la part d'une organisation représentant des cadres de l'Éducation nationale, qui n'est que la reprise incantatoire d'une conception de l'enseignement qui a pourtant attesté ses défauts et ses limites.

En revanche, il est certain que cette réforme n'est pas accompagnée de moyens suffisants pour être efficacement appliquée. La semaine dernière, ma collègue Virginie Fontcalel a fort bien démontré en quoi l'instauration de groupes de niveaux au collège constituait une « nouvelle usine à gaz », compte tenu de la pénurie de professeurs, notamment en mathématiques. Tout laisse à penser, d'après les premières remontées du terrain, que les « groupes de besoin », comme les appelle prudemment le ministère, seront mis en place (quand ils le seront) au détriment d'autres dispositifs pédagogiques ou des enseignements de langues anciennes, des disciplines artistiques ou de la technologie.

On commence à se demander si Gabriel Attal, aussi sympathique soit-il, n'est pas seulement un bon communicant qui se paie la tête des Français. Il fait son numéro de marionnettes, « Trois p'tits tours et puis s'en vont ». Il lance de bonnes idées pour plaire, mais ne se donne pas les moyens de les réaliser. Fût-il sincère quand il a déclaré vouloir rehausser le niveau de l'enseignement, prônant des mesures qui rompaient avec des décennies de conformisme idéologique en matière éducative, sa précipitation dans des engagements qu'il n'est pas en mesure de tenir risque fort d'aggraver encore la situation de l'enseignement.

Amélie Oudéa-Castéra, qui lui a succédé, a glissé, dès son arrivée rue de Grenelle, sur les peaux de banane lancées par quelques médias partisans et une gauche qui ne veut surtout pas rompre avec l'égalitarisme et reste soumise au syndrome de Procuste. Elle vient de recevoir le soutien d'une cinquantaine de dirigeants sportifs qui assurent être « heureux de partager cette ministre » avec la communauté éducative, « heureux pour l'avenir de l'école ». Ses premiers pas dans son nouveau ministère, ses maladresses répétées donnent à penser qu'elle est bien mal partie pour engager les réformes nécessaires.

Permettons-nous de lui donner un conseil, ainsi qu'à son mentor, qui assure avoir emmené « la cause de l’école à Matignon ». S'ils veulent vraiment redresser l'enseignement, au lieu de faire n'importe quoi à la va-vite pour pouvoir dire qu'ils agissent, qu'ils remettent en cause les dérives auxquelles ont conduit les maîtres à penser qui règnent sur la politique ministérielle depuis des décennies ! Qu'ils réforment les instituts de formation qui, sous les noms d'IUFM, d'ESPÉ ou d'INSPÉ, sont les propagandistes de la pensée unique ! Qu'ils mettent en place des groupes de niveaux, quand ils en ont les moyens, et qu'ils les développent progressivement ! Tout le reste n'est que bla-bla.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Qu’elles sont donc ces valeurs défendues par le SNPDEN? La volonté, le dépassement de soi, ou la fainéantise, l’assistanat? Enseignants, vous êtes pour la plupart, parents. Alors si vous avez choisi ce métier pour former de nouveaux citoyens, leur donner les armes pour qu’ils puissent vivre en adulte, alors agissez en conséquence. Tirez de ces enfants le meilleur, donnez leur le goût du beau, apprenez leur le sens de l’effort, encouragez les, chercher à déceler leurs aptitudes et n’hésitez pas à sermonner ceux qui ne veulent rien faire. Quant aux autres, ceux qui n’ont choisi dans ce métier que le confort, comprenez bien que votre place n’est pas dans cette institution.

  2. Monsieur Attal ne peut pas donner de moyens d’utilisation tout simplement par ce qu’il n’en a pas. De toutes façons pendant que notre Président va nous démolir à l’Etranger, il envoie son fusible au charbon, en quelque sorte , son bouc émissaire. Pour ne pas faillir à l’interdiction de la liberté d’expression, je ne dirai pas le qualificatif que m’inspire cette façon de faire.
    Victorine31

  3. Il faudrait déjà s’entendre sur la définition de ce qui est projeté : groupes de niveaux dans chaque classe ou classes de niveaux comme dans le passé. L’animation est totalement différente dans chacun de ces cas. Groupe de niveaux dans chaque classe, c’est imbuvable, impossible à gérer. Ce serait catastrophique. Il faut revenir à des classes de différents niveaux. Elles ont fait leurs preuves dans le passé. Les élèves étaient bien dans leur peau car de même niveau.

  4. Le ratio : ‘personnel enseignant/personnel total de ‘lE.N. est trop faible .

    Envoyez donc tous ces administratifs autistes faire la classe…devant des élèves en chair et en os .. et on en reparlera .

  5. L’idée est bonne mais le fait de la lancer sans vérifier sa faisabilité ne fait pas très sérieux. Il faudrait revenir au collège d’avant, avant le collège unique. Mais le profs ne veulent pas l’excellence…

  6. Malgré toute sa bonne volonté, Attal ne peut peut absolument plus rien faire depuis que Macron a vendu la France à la commission européenne . Macron ne voit que par Madame Von Der Leyen .

  7. Attal, promet des millions d’euros à tout le monde , l’éducation, les paysans, l’armée, ect . Mais est il au courant que l’on a une dette de plus de trois mille milliards ? Alors tout d’abord il doit nous dire comment et avec quel argent il va financer tout ça Français avant de vous laisser bercer par de belle paroles posez les bonne questions

  8. Encore une fois, c’est du ´´veux, je n’peux ´´… et il faut combien d’années pour former un prof de Maths, ou autres disciplines ??? Il faudra environ dix ans pour y arriver, et se mettre dans la tête qu’il faudra supprimer la moitié des fonctionnaires administratifs de l’Education Nationale, pour pouvoir augmenter les salaires des professeurs qui, eux, travaillent avec et pour leurs élèves… ça va être dur, très très dur !!!

  9. L’organisation de classes de niveau est matériellement problématique à cause de la pénurie d’enseignants mais les chefs d’établissement les refusent pour des raisons idéologiques. Ils préfèrent que des élèves végètent dans des classes où ils n’arrivent pas à suivre. C’est ce qu’on appelle l’égalité. L’obsession de l’égalité produit l’échec scolaire de masse ( résultats Pisa !).

    • On baisse le niveau de la classe, sacrifiant au passage ceux qui ont un potentiel, comme cela les élèves en difficulté sont moins à la traîne.

  10. Et aussi, restituer l’autorité aux professeurs, condition de classes contrôlées dans lesquelles il est possible d’enseigner…
    Enfin, tout cela sera long à remettre en place tant les esprits ont été shootés au pédagogisme, certes chefs d’établissement, mais aussi les professeurs travaillés par le prétendu « progressisme ». Et que dire des personnels éducatifs ?

  11. Pour que les classes soient de niveau…
    Peut-être faudrait-il que les ministres en charge soient eux-mêmes au niveau, non ?
    En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’éducation nationale aura eu un Pap Ndiaye remercié par les français peu impressionnés, Gabriel Attal propulsé ailleurs par le boss, puis Amélie Oudéa-Castéra ses gaffes et ses casseroles, tout ça sur à peine 12 mois.
    Et on voudrait être au niveau.
    Pas étonnant que le Pisa classe l’enseignement en France en très mauvaise position dans le monde.

  12. La réalité est très simple. Et ce courrier des directeurs d’établissements à la ministre le montre parfaitement. Le système scolaire Français est irréformable !
    Et ce, pour une raison très simple. Les marxistes qui y sont employés (et non qui y travaillent…) refusent, au nom de principes qu’ils appellent « leurs valeurs » tout changement fut-il infinitésimal.
    Pour ce million de fonctionnaires le mal absolu c’est le changement. Seule leur importe la stabilité de leur petit univers conformiste et égalitariste.
    Par conséquent, même un ministre, fut-il le plus compétent, le mieux intentionné du monde et voulant réellement secouer le cocotier ne peut surmonter l’inertie d’un tel nombre de fonctionnaires qui lui seront hostiles de manière pavlovienne.
    Et la France continuera de sombrer…

    • Parfaitement analysé. C’est le problème fondamental, de l’Education Nationale, certes, mais aussi de la totalité de la France. Depuis 1945, quand de Gaulle a laissé les mains libres à Thorez contre les apparences du pouvoir, les troupes dudit Thorez ont investi la totalité de la haute administration, puis il l’a verrouillée en instaurant le statut du fonctionnaire, spécificité française d’obédience marxiste. D’où la situation actuelle, inextricable.

  13. Nous avons bien compris que l’idée qui parait séduisante est très difficile à mettre en place ..alors pas seulement bla bla bla mais Baratin …

    • Tout à fait ! Paroles, paroles ! Mais les Français sont indécrottables, ils se laissent facilement endormir par les belles paroles ! Ce gouvernement maitrise à la perfection l’art de la communication !
      Il semblerait que la circulaire Blanquer a été validée sur la transidentité par le Conseil d’Etat, information qu’il serait intéressant de vérifier svp

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