[POINT DE VUE] Acte II du choc des savoirs : du babillage à l’enfumage

Brevet des collèges

On eût aimé pouvoir applaudir les mesures annoncées par Anne Genetet dans le cadre de « l'acte II du choc des savoirs », mais avec la meilleure volonté du monde, on ne saurait le faire. La locataire de la rue de Grenelle a beau vouloir « donner un coup d'accélérateur au collège » et « relancer l'ascenseur scolaire », comme elle le déclare dans un entretien à l'AFP, ou défendre un « ensemble très cohérent pour élever le niveau du primaire jusqu’au lycée », elle ne convainc que ceux qui se laissent duper.

Anne Genetet dans les pas de Gabriel Attal ?

Anne Genetet, ce poulain de Gabriel Attal, s'inscrit dans les pas de son prédécesseur. Elle en adopte les annonces qui l'avaient rendu plutôt sympathique, lors de son bref passage au ministère de l'Éducation nationale, mais sans son habileté oratoire. Tout se passe comme si elle voulait jeter de la poudre aux yeux et faire croire qu'elle va réellement rehausser le niveau scolaire et redresser l'enseignement, alors qu'il n'en est rien. Vous trouvez ce jugement trop sévère ?

Parlons du brevet obligatoire pour passer en seconde... à partir de 2027. D'ici là, l'eau aura coulé sous les ponts. Même s'il est un peu plus difficile d'obtenir cet examen dès 2026, avec un poids plus important du contrôle terminal (60 %, contre 50 % aujourd'hui), cela ne suffira pas à en rehausser le niveau : au brevet comme au bac, on aura toujours un pourcentage élevé de réussite, qui fait illusion. Sans compter qu'il faudra organiser l'examen plus tôt dans l'année, compte tenu de la complexité des affectations en seconde.

Avec quels moyens ?

Quant aux groupes de besoins, elle compte les maintenir en 6e et 5e à la rentrée 2025 et « [les étendre] en 4e et 3e, mais de manière différente car les besoins n’y sont pas les mêmes ». Passons sur le fait que, cette année, leur mise en œuvre a tenu le plus souvent du bricolage et qu'on ne sait rien encore de leur efficacité. Mais qu'importe ! Il faut aller de l'avant, sans savoir où l'on va. « Ces groupes en 4e et 3e se tiendront une heure par semaine, en alternance entre mathématiques et français. Les élèves les plus en difficulté seront dans des effectifs réduits », précise-t-elle. C'est beau sur le papier, mais avec quels enseignants, alors que le recrutement connaît une crise d'attractivité sans précédent ?

Vouloir « élever le niveau en mathématiques » et « mettre en place, à partir de juin 2026, une épreuve anticipée de mathématiques », c'est une belle intention, mais qu'arrivera-t-on à évaluer, avec un enseignement de mathématiques d’une heure et demie par semaine pour les élèves n'ayant pas choisi la spécialité mathématique ? C'est toute l'organisation du lycée et du baccalauréat qu'il faudrait revoir pour redonner du sens à ce qui fut, jadis, le premier grade universitaire. C'est tout le système éducatif, de l'école primaire au lycée, qu'il faudrait reconstruire.

Jeter l'opprobre sur le métier de professeur, c'est participer au déclin de l'enseignement

Cessons d'accabler Anne Genetet. Reconnaissons-lui, au moins, d'avoir pris la parole pour défendre les professeurs, stupidement stigmatisés par un ancien président de la République qui devrait se rappeler tout ce qu'il a mal fait pour l'enseignement quand il était aux affaires. Oui, la plupart des professeurs « travaillent beaucoup dans des conditions difficiles » et ne travaillent pas que « 24 heures par semaine » et « six mois de l'année ». S'il y a parmi eux quelques fumistes, comme dans tous les métiers, ils doivent être licenciés ; mais laisser croire que ce sont des fainéants et des profiteurs, jeter l'opprobre sur le métier de professeur, c'est contribuer à le dévaloriser, à en éloigner les meilleurs des étudiants et, finalement, participer au déclin de l'enseignement.

« Élever le niveau. C'est la mission de l'École. Si nous réussissons, c'est toute la République qui triomphe », vient d'écrire Anne Genetet à l'ensemble de la communauté éducative. Tous les ministres l'ont répété, chacun à sa manière. Et l'enseignement a poursuivi son déclin !

 

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

29 commentaires

  1. « Si nous réussissons, c’est toute la République qui triomphe ». Et la France ? Connaît elle la France madame Genetet ? Elle existait bien avant la République.

  2. Pourquoi ne pas procéder comme en Suisse ? Ne vont au lycée que les élèves qui ont les capacités de RÉUSSIR des études supérieures. Tout est là. Pas de traîne-savates fainéants, incultes et incompétents en facultés.

  3. Si j’ai bien suivi, nous sommes passés des « groupes de niveau  » à des « groupes de besoins ». Certainement pour ne pas fragiliser les oreilles sensibles. Une usine à gaz qui ne dit pas son nom. Dans le passé, toujours le passé, la réussite était au rendez-vous. Mais c’était « avant », donc à ne pas reproduire. Cependant des classes de niveau permettaient à chacun de se retrouver en paix avec « sa propre peau ». De ne pas se sentir ridicule en présence « des forts » . Mais de nos jours , cette approche est inconcevable, inconvenante, le « ridicule tuerait ». Un brevet acquis pour passer en seconde. S’il est noté comme l’est le bac, ils passeront tous en seconde. Il ne sert donc à rien. Ce qui serait plus sérieux, ce serait de s’appuyer sur le carnet scolaire, illustration du travail d’une année, des efforts consentis, de l’assiduité.

  4. Pourquoi ne pas procéder comme en Suisse ? Ne vont au lycée que les élèves qui ont les capacités de RÉUSSIR des études secondaires. Tout est là. Pas de traîne-savates fainéants, incultes et incompétents en facultés.

  5. 2 actions indispensables n’ont toujours pas été évoquées : 1) abaissement de l’obligation scolaire à 14ans (comme avant) ce qui permet à certains à choisir l’apprentissage, à 16ans, il est trop tard pour apprendre à travailler. De plus, çà permet de combler les métiers en tension sans avoir besoin d’immigration. J’ai moi-même quitté l’école à 14ans (mon 1er travail était de balayer l’atelier) et je n’en suis pas mort. 2) restaurer la discipline à l’école avec punitions (même corporelles) (là aussi, comme avant)

  6. Tout ça c’est du bricolage.
    Revenir aux méthodes d’origine. Rétablir les notes, les devoirs, ne plus laisser passer en classe supérieure les enfants n’ayant pas le bon niveau de lecture, écriture, orthographe, savoir compter! Ça évite de traîner tous ces nuls qu’on veut rattraper en instaurant des classes spéciales. Rétablir le redoublement !
    On travaille, on suit, ou pas!
    Par la suite il existe les cours particuliers quand les parents ont les moyens.
    En études supérieures il existe la bourse…laquelle oblige la réussite sous peine de la perdre.
    Ces méthodes ont tjrs réussi , et si le public critique l’enseignement privé, il n’a qu’à s’aligner sur ses méthodes. On est au niveau où bien on part après un redoublement inefficace.
    On s’oriente alors vers des métiers manuels ou autres avec brevet professionnel.
    C’est simple et de bon sens!…

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