Le poilu, sacrifié, radicalisé et ridiculisé !

Le journaliste et humoriste Pierre Daninos (1913-2005) aimait répéter que "les thèses les plus fausses sont souvent les plus belles". Qu’aurait-il pensé, lui l’ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, de celle de l’historien Nicolas Mariot ? Dans un article paru dans Libération le 5 octobre, ce directeur de recherche au CNRS avance celle que le terroriste Mohammed Merah, tueur de soldats et d’enfants juifs en mars 2012, et les poilus de 14-18 sont les victimes d’un même processus de radicalisation. Processus qui ne serait, finalement, que la suite logique d’un sacrifice consenti : "On ne se sacrifie pas seul, et souvent en famille ; on se sacrifie quand on a le choix et qu’on peut dire non ; on se sacrifie pour des idées", écrit Nicolas Mariot. Dans l’absolu, et sur le sacrifice même, la thèse se tient.

De là à en faire l’une des pierres angulaires de la radicalisation et de l’appliquer aux poilus de 14-18, il existe un pas que le directeur de recherches a allègrement franchi. Et l’exemple est d’autant plus indécent qu’il prend le cas de Robert Hertz pour appuyer son propos : Robert Hertz, normalien, élève de Durkheim qui écrivait, pour justifier de se porter volontaire pour les premières lignes : "Comme juif, comme socialiste, comme sociologue, je devais faire plus." Sous-lieutenant au 330e régiment d’infanterie, il est tombé au champ d’honneur le 13 avril 1915 à Marcheville (Meuse).

En avançant cette thèse « sacrifice = radicalisation », Nicolas Mariot commet plusieurs erreurs majeures.

Première erreur : Mohammed Merah, au nom de sa religion, avait une haine farouche de la France et des Juifs. Il l’a montré par ses actes. Au contraire, les poilus, de toutes origines, se sont battus pour leur pays, leur drapeau et ils avaient l’amour de la France chevillé au corps. Y compris les soldats musulmans, très nombreux en 14-18 parmi les 180.000 Algériens, 60.000 Tunisiens, 37.000 Marocains, 134.000 Noirs africains, 43.000 Indochinois, etc.

Deuxième erreur : radicalisé, Mohammed Merah n’a pas défendu son pays mais importé la guerre et la terreur dans le pays qui l’a vu naître. Les poilus, eux, défendaient leur terre contre les « Boches », contre les « Prussiens » qui venaient envahir leur pays.

Troisième erreur : si l’amour de la patrie et vouloir mourir pour elle est une forme de radicalisation, alors tout ce qui porte aujourd’hui un uniforme dans le monde mérite d’être « déradicalisé ».

Quatrième erreur : établir un raccourci, à cent ans de distance, entre les thèses de l’organisation État islamique, qui a retourné le cerveau de Mohammed Merah, et les poilus de 14-18, puis tenter d’amalgamer les deux, est une insulte à ces valeureux soldats, une insulte à leur mémoire et à leur sacrifice. C’est ridiculiser le poilu. C’est surtout une insulte à l’Histoire. À venir d’un (soi-disant) historien, c’est incompréhensible. À trop revisiter l’Histoire, on tombe parfois dans des travers douteux. Quod erat demonstrandum !

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