Plus de six milliards d’aides ne seraient pas versées

Selon une étude du cabinet Adjuvance pour Adessadomicile, fédération d’aide à domicile, et rendue publique par le journal Le Parisien, 34 % des personnes éligibles aux aides sociales ne toucheraient rien. Pour un cas sur deux, cela s’expliquerait par un manque d’information. Viennent ensuite le recours à d’autres solutions (comme la garde d’enfants par un membre de sa famille) et le refus de se lancer dans des procédures complexes (remplir les formulaires est souvent rebutant). Pour d’autres, le reste à charge étant trop important, ils préfèrent s’abstenir ou recourir au travail au noir. Enfin, certains refusent de donner des renseignements sur eux-mêmes et se méfient de l’administration. En revanche, les aides pour le handicap sont bien intégrées et rares sont ceux qui ne demandent pas les prestations auxquelles ils ont droit dans ce domaine.

Selon une autre enquête, réalisée à l’instigation du Secours catholique, 31 % des ménages ne demanderaient pas les allocations familiales auxquelles elles pourraient prétendre, et 40 % de ceux qui sont éligibles au RSA ne feraient aucune démarche. Ces pourcentages sont effarants. Même si le Secours catholique a peut-être chargé la barque et si les chiffres réels sont à minorer, ils posent problème. Les sommes non versées au titre du RSA avoisineraient les 5,3 milliards d’euros, à comparer aux 5 milliards que coûterait l’ensemble de la fraude aux prestations sociales. On ne demanderait pas le RSA car on estimerait que son montant serait trop faible. Un peu fort de café, tout même… D’autres penseraient que leur situation est provisoire et s’améliorera rapidement. La honte de faire appel à « la charité publique » dissuaderait un grand nombre de faire toute démarche. Enfin, des étrangers en situation irrégulière préféreraient se priver de toute aide car ils redouteraient d’attirer l’attention sur eux. De même, certains ne réclament pas la CMU (la couverture à 100 % des frais médicaux pour les catégories les plus modestes). Mais c’est surtout, l’ACS (l’aide à la souscription d’une mutuelle pour non-éligibles à la CMU, mais aux revenus faibles), qui est méconnue. 60 % de ceux qui pourraient la toucher ne le font pas, pour un coût de 800 millions. Cette abstention s’explique parce qu’une partie de la cotisation reste à charge et que beaucoup préféreraient faire l’impasse sur cette dépense au risque d’être confronté à des frais médicaux importants.

Le Secours catholique donne peut-être une vision un peu faussée de la réalité (c’est de bonne guerre). Néanmoins, il faudrait sans doute réformer la façon de délivrer les aides en se fondant sur la déclaration des revenus de façon à tout automatiser au maximum et éviter que les bénéficiaires ne soient contraints de demander les prestations auxquelles ils ont droit. Cela permettrait de recouper tous les dossiers et de mener une guerre sans merci contre la fraude (qui existe et n’est pas négligeable, contrairement à ce que prétendent les associations). Ainsi, les sommes récupérées financeraient les augmentations considérables de dépenses induites par une meilleure distribution des aides.

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Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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