Valérie Pécresse était en meeting à Nîmes, cette semaine. La salle était, disons, à moitié pleine : 1.200 personnes selon les organisateurs, dans une salle qui, selon son site Internet, peut accueillir jusqu'à 4.000 personnes. Avec cette souveraine aisance qui lui permet de mettre en ébullition des foules entières, la candidate des Républicains a accusé Emmanuel Macron de « contrefaçon ». Elle le qualifie même d'« homme photocopieuse ».

L'insulte a des airs de cour de récréation, comme on en voit à la télévision, lors, par exemple, des débats entre candidats dits « de second rang », qui donnent l'impression d'être en phase de poule, comme on dit dans le football. Aucune médiocrité dans l'attaque ne semble les rebuter. Aucune facilité non plus. Valérie Pécresse, bloquée quelque part dans les limbes des années 80, époque bénie des meetings d'après-banquet du RPR, ne vit décidément pas avec son temps. Son art de l'aphorisme est quelque peu daté. Après le « quoi de mieux qu'une femme pour faire le ménage », lors des élections régionales en Île-de-France, voici la métaphore de « l'homme photocopieuse ». Pourquoi pas photocopieur, d'ailleurs ? Quoi de mieux qu'une femme pour faire des photocopies, peut-être ? On ne sait pas.

Cette attaque a au moins, en creux, le mérite d'une certaine clarté : les mesures détaillées au cours du lent et pénible oral de Macron (4 h 9 au chrono, tout de même) sont, en effet, peu ou prou celles de Valérie Pécresse. Il veut réduire les droits de succession, promeut la retraite à 65 ans et exige que les bénéficiaires du RSA travaillent pour la collectivité : ces mesures figurent également dans le programme de Valérie Pécresse. Éric Zemmour, lui aussi, a reproché à Macron certains emprunts, comme la fin de la redevance télé, mais, plus pragmatique, s'est contenté de regretter que le Président sortant, lui, ne chiffre pas ces mesures.

Il y a, depuis le début de cette campagne, un curieux sentiment de gémellité entre Pécresse et Macron : même fausseté dans les rapports humains, même duplicité, mêmes revirements, même nécessité de faire du « en même temps » jusqu'à l'absurde pour tenir, à toute force, les deux extrêmes de leur électorat. Ils viennent tous les deux de la bourgeoisie, ont tous les deux un confortable patrimoine. Ils sont convaincus de leur destin. Macron est cependant un meilleur comédien. Bien sûr, il a ses moments de faiblesse, il ne peut pas tout jouer (le patriotisme, l'émotion, la simplicité) mais il est au-dessus. Pécresse, elle, a un appareil partisan assez puissant, des militants âgés qui hésitent à l'abandonner. Mais à part cela, sont-ils si différents ?

À la vérité, qui est la photocopie de qui, dans cette triste affaire ? Le débat est difficile à trancher. Le fait que le candidat Macron (pas le Président, attention, cela n'a rien à voir) ait dit envisager de choisir Valérie Pécresse comme ministre s'il l'emportait n'est pas anodin. C'est le baiser de Judas, et le chef de l'État le sait très bien. C'est aussi une manière de montrer que tout ça, c'est un peu pareil, et qu'il vaut alors mieux préférer l'original à la copie.

C'est désormais une certitude : Valérie Pécresse ne sera pas au second tour. Elle finira peut-être même sous les 10 %. Une autre quasi-certitude : Macron s'est lancé tard, et sans projet, comme en 2017 en fait, pour pouvoir dire aux gens ce qu'ils avaient envie d'entendre. La candidate LR a renoncé depuis le début à être de droite. Cette histoire de photocopieuse, qui dit beaucoup de la similitude entre les deux candidats du centre, c'est l'hôpital qui se moque de la charité.

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18 mars 2022 à 20:47

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36 commentaires

  1. Elle a un exercice très difficile, il ne faut pas mécontenter, d’un côté les macron-compatibles et en faire de même des zemmour-compatibles : ça s’appelle être assis entre 2 chaises, le meilleur moyen de se mettre les fesses par terre. Si j’étais très méchant, je dirai qu’elle a atteint le niveau du principe de Peter, le premier niveau d’incompétence, quel dommage !

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