On ne le sait que trop bien : les pouvoirs du Parlement européen sont des plus limités, les véritables décisions se prenant à l’échelon de la Commission européenne. Le politique s’est donc incliné devant le technocratique. À qui la faute ? Aux politiques, évidemment, qui ont eux-mêmes organisé leur propre effacement face à une nébuleuse se cooptant dans l’ombre, échappant ainsi à tout contrôle démocratique.

Pis : ces hommes et femmes politiques sont, aujourd’hui, plus divisés que jamais en huit formations distinctes. Il y a, certes, les fractures politiques, mais également culturelles entre pays catholiques et protestants, celles entre les nations tout court, quand ce ne sont pas des zones géographiques plus vastes, Nord et Sud, pour ne citer que les plus évidentes. L’Europe, combien de divisions ?

Certes, l’affaire tourne, même dans le vide, le gros du troupeau, Parti populaire européen (centre droit) et Alliance progressiste des socialistes et démocrates (centre gauche) communiant globalement dans la même béatitude européiste. Mais pour combien de temps encore ?

À elles seules, ces deux formations alignent 403 députés sur un total de 751, ce qui leur a longtemps permis d’à peu près régner sans partage. Les 348 autres députés sont répartis entre diverses tendances que rien ni personne n’a pu unir jusqu’à aujourd’hui. Avec le prochain scrutin, le duopole PPE/S&D pourrait perdre sa majorité, mais pas forcément son pouvoir.

En effet, si une forte poussée populiste est annoncée par tous les instituts de sondage, rien n’indique que ces différentes formations puissent trouver un terrain d’entente, surtout depuis la polémique ayant touché Heinz-Christian Strache, patron du FPÖ autrichien. À ce titre, ceux qui n’aiment rien tant que de railler une certaine forme de légèreté méditerranéenne seraient bien inspirés de bouffer leur chapeau tyrolien.

C’est, d’ailleurs, toute la difficulté de cette « Internationale nationaliste », actuellement stigmatisée par les médias, qui tient plus de l’oxymore que d’autre chose. En effet, comment concilier les intérêts nationaux de nations souveraines qui, par nature, ne sont pas forcément les mêmes, quand ils ne sont tout simplement pas antagonistes ?

On le voit avec la Pologne et ses tropismes atlantistes et antirusses. Avec l’Allemagne aussi, et son économie hégémonique tendant à transformer les pays d’Europe de l’Est en filiales de sous-traitance, et dont on voit mal de quelle manière elle pourrait s’accorder avec les économies de pays latins n’ayant pas tout à fait le même genre de mentalité. Les exemples pourraient se décliner à l’infini, sans négliger les pudeurs hongroises et polonaises les empêchant de franchir le Rubicon en rejoignant le front d’un euroscepticisme un peu plus conséquent.

Il est pourtant des élus français qui ne déméritent pas. Le 21 mai dernier, BFM TV note ainsi : « Les eurodéputés du RN apparaissent influents, parfois en tête de classement, alors qu’il ne peuvent pas l’être. […] Le Parlement européen a une tradition d’ostraciser ces eurodéputés qui n’ont jamais eu le moindre rapport à rédiger. » Il est vrai que, pour peser un tant soit peu, encore faut-il être bien placé dans les commissions ; ce qui n’est pas – pour l’instant ? – le cas des élus lepénistes (qui paraissent influents parce que produisant beaucoup de rapports), voir même celui de leurs autres collègues français.

Toujours selon les mêmes sources : « Les élus français ont beau représenter 10 % des élus de l’hémicycle, ils affichent dans les faits un pouvoir réduit, à l’inverse de l’Allemagne ou de pays au poids supposé plus faible, comme la Belgique ou la République Tchèque. »

Et comme si tout allait trop bien pour le pays, la pétulante Nathalie Loiseau entend « fonder un nouveau groupe qui sera central, progressiste et démocrate ». Nous voilà beaux.

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22 mai 2019 à 17:36

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