Peut-on rendre hommage à Najat Vallaud-Belkacem ?

Les lecteurs de cet article penseront sans doute qu’une coquille malencontreuse s’est glissée dans le titre. Eh bien, non ! Voyez plutôt...

À quelques jours de faire ses cartons, Najat Vallaud-Belkacem a accordé un entretien à Respect mag, le média leader sur l’info diversité. Elle se félicite d’avoir été ministre pendant cinq ans, en retient "un honneur, un bonheur même, une mobilisation de chaque instant et une action très fournie". Elle a un certain courage, n’est-ce pas, d’assumer ainsi le bilan et l’impopularité de François Hollande !

"Ce n’était pas non plus n’importe quel quinquennat pour l’Éducation car c’était celui de la refondation de l’école." Elle s’est, en effet, inscrite dans la droite ligne de ses prédécesseurs Vincent Peillon et Benoît Hamon, qui ont eux-mêmes repris, en les accentuant, les idéologies contestables et les pédagogies fumeuses, inspiratrices des majorités précédentes.

Elle regrette de voir "à quel point les paroles malhonnêtes et inutilement polémiques d’une part, déclinistes et réactionnaires d’autre part, prennent une  place disproportionnée dans le débat public sur l’éducation", précisant qu’"on passe complètement à côté de ces enjeux véritables, pour faire du retour au tableau noir et à la blouse l’alpha et l’oméga d’une politique éducative"... Peut-on reprocher aux autres de pratiquer la caricature quand on la pratique soi-même ?

Madame le Ministre – respectons les recommandations de l’Académie française –, vous défendez à juste titre l’égalité, en ajoutant qu’« [elle] se fait forcément au détriment des plus privilégiés". Pourquoi, dans ce domaine, reprendre les thèses les plus controversées des sociologues en vogue ? Car vos réformes censées favoriser l’égalité, ce n’est pas aux plus privilégiés qu’elles nuisent, mais aux plus démunis. Y avez-vous sérieusement réfléchi ou seriez-vous taquinée par le démon de l’ambition et de la démagogie ?

Vous vous attendiez, dites-vous, en occupant un poste jusqu’ici réservé à un homme, à "des procès soit en incompétence, soit en illégitimité […] mais pas forcément à tout ce qui s’en est suivi, comme des procès en extranéité, des “Vous n’êtes pas vraiment française”". Vous vous trompez sur ce point : c’est sur votre seule politique que vous êtes jugée. Votre réussite personnelle aurait pu, au contraire, servir d’exemple et de modèle d’intégration.

Vous déclarez avoir "consacré une grande part de [votre] énergie à [vous] débattre contre des rumeurs". Que n’avez-vous, plutôt que d’alimenter ces rumeurs, eu un comportement qui les démentît ?

Pourquoi vous être montrée si indulgente à l’égard de pratiques pour le moins répréhensibles ? Comme ce jour où, sur un plateau de télévision, vous restâtes silencieuse, quoique visiblement mal à l’aise, devant le fondateur de BarakaCity, qui refusait de serrer la main aux femmes et de condamner l’État islamique.

Vous dénoncez la « radicalité » de la Manif pour tous. Si vous vous étiez mieux informée sur l’état d’esprit des centaines de milliers de manifestants qui défilaient dans les rues, vous auriez découvert que la radicalité et la provocation étaient ailleurs.

Pourquoi vous être affichée, à peine la loi promulguée, au premier mariage gay, célébré à Montpellier ? Par souci d’apaisement ? Pourquoi avez-vous régulièrement contesté qu’il existât une théorie du genre et laissé des sites recommandés par le ministère de l’Éducation nationale en faire la promotion ?

« Peut bien faire, mais a gâché ses talents », telle est l’appréciation qui pourrait vous caractériser à l’issue de ce quinquennat. Vous venez de publier une autobiographie intitulée La vie a plus d’imagination que toi. Si vous en aviez profité pour confesser vos erreurs, vous auriez mérité qu’on vous rendît sincèrement hommage.

Jean-Michel Léost
Jean-Michel Léost
Professeur honoraire

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