Muselier et les LR : dilemme cornélien pour obscure clarté

Muselier

On ne sait pas encore tout de la fusion des listes LR et LREM en région Provence-Alpes-Côte d'Azur : Attal et Muselier ne semblent pas d'accord sur tout. On sait, en tout, cas qu'elle a été voulue par Renaud Muselier pour faire barrage aux hordes brunes de la Haine qui, semble-t-il, aiguisent leurs longs couteaux sur les marches du Palais des festivals à l'heure où je vous parle. La menace est sérieuse : il y a un « risque de RN », dit Christophe Castaner, décidément aussi fort en grammaire ou en analyse politique qu'en maintien de l'ordre. Il sait de quoi il parle, puisqu'il s'est lui-même retiré aux régionales de 2015, en Provence déjà, face à Marion Maréchal, pour laisser la place à... Muselier.

Renaud Muselier avait, a priori, un profil sympathique pour l'électeur de base : médecin renommé, autrefois grand sportif, venu d'une lignée de héros modernes (ce qui compte, dans un pays monarchique où bon sang ne peut mentir). Il était connu des Provençaux et les autres aimaient bien certaines de ses sorties : pour ma part, j'avais trouvé drôle et juste sa détestation, sur Franceinfo, de l'acronyme PACA pour désigner l'une des plus belles régions de France. « Vous ne dites pas IDF, non ? »

Il n'y avait donc pas grand-chose de plus derrière cette façade. « Encore un peu de convictions, monsieur Muselier ? Avec un verre de courage, c'est délicieux. » « Non merci, répondit Muselier, je n'ai pas très faim. Ni soif non plus, d'ailleurs. »

Bref, pour faire barrage à la bête immonde, la gauche libertaire et la droite libérale (ou est-ce l'inverse ?) se sont alliées sous le ciel azuréen. Que fera Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, où la situation est similaire ? On a compris qu'il n'approuvait pas cette déballonnade publique. Il devrait attendre le second tour pour régler le truc discrètement. Et, plus grave, que feront les élus LR « de terrain », « en région » ou « dans les territoires », comme disent les Parisiens, eux qui ont souvent connu le RPR solide de Pasqua, l'époque où on pensait que Chirac était de droite, vous vous souvenez ? Quand leurs électeurs viendront les traiter de vendus, quand ils se réveilleront dans une coquille vide, réduits à chevroter des poèmes à la gloire du Général en guise de paysage philosophique et de programme ?

Monsieur Muselier a été convoqué, le 4 mai, pour se faire remonter les cales. Apparemment, l'échange fut « tendu mais franc », qualificatifs étonnants venant d'un aréopage généralement plutôt veule et fourbe. Le président de la région Provence n'a pas été exclu des Républicains. C'est qu'on a besoin de cotisations pour refaire le papier peint avant 2022, je présume, et que chaque centime compte. On comprend ça très bien. A-t-il été condamné avec « la plus grande de toutes les fermetés », comme on dit en politique quand on ne fait rien ? Ce n'est pas ce que disait, ce mercredi matin, Gérard Larcher, président du Sénat, sur Franceinfo. Tout en métaphores champêtres sur l'apaisement du soir, qui succède à la nervosité du matin, le troisième personnage de l'État n'était que rondeur. Tout va pouvoir continuer comme avant.

Cependant, entre subir la décomposition et lutter contre l'entropie naturelle, il y a désormais un dilemme cornélien de la part de LR, qui prétend pourtant avoir « clarifié les choses ». C'est d'ailleurs Corneille, avec le récit des combats par Rodrigue, dans Le Cid, qui avait trouvé, il y a quatre siècles, le mot de la situation : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. » Espérons pour eux qu'ils se verront trois mille en arrivant au Vieux-Port, histoire qu'ils n'ajoutent pas la honte au déshonneur.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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