Mort de Françoise Bourdin, écrivain populaire et anonyme : l’anti-Annie Ernaux

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Françoise Bourdin est morte le jour de Noël. Elle avait soixante-dix ans. Son nom ne vous dit peut-être rien, car elle cultivait la discrétion, voire l'anonymat. C'était pourtant, avec 15 millions de livres vendus, le quatrième écrivain le plus acheté de France, derrière les inévitables Marc Lévy, Guillaume Musso et Katherine Pancol. Elle publiait un ou deux romans par an, écrits dans sa grande maison normande, avec une discipline de fer.

Ses histoires se ressemblaient toutes : il y était quasiment toujours question d'une famille, d'une grande maison, de conflits qui déchirent les fratries ou les générations... et d'une réconciliation finale, un happy end comme on dit de nos jours. La littérature prétentieuse, officielle, n'aime pas les histoires qui finissent bien, ni les familles, d'ailleurs. C'est dommage. Françoise Bourdin, elle, n'en avait cure : elle assumait d'écrire des romans feel good dont on ressortait avec le sourire. Elle assumait aussi d'avoir été, toute sa vie, boudée par la critique. Elle confiait en avoir un peu souffert au début, puis plus du tout, lorsque le succès public était venu.

Françoise Bourdin aimait son public qui le lui rendait bien. Elle n'avait pas besoin de reconnaissance du « milieu », de prix donnés par la République des Lettres, elle se moquait bien de voir son nom sur une couverture prestigieuse. Avec son écriture simple et imagée, son style de conteuse, sa méticulosité à l'ancienne, son étanchéité au milieu parisien, son public nombreux et fidèle, c'était l'anti-Annie Ernaux. Dans sa campagne, elle inventait des histoires pour rendre la vie des gens plus agréable. Il n'y a pas de plus noble façon d'imaginer, en artisan, le métier d'écrivain.

On pourra conseiller aux nostalgiques des séries de l'été sur TF1 la saga Terre Indigo, adaptée en 1996 d'un roman éponyme de Françoise Bourdin. Il y en a, à vrai dire, des dizaines d'autres, et la période hivernale est propice à cette redécouverte devant la cheminée.

Que Françoise Bourdin repose en paix. Le lectorat, le vrai, celui pour qui lire est un plaisir sans snobisme, est en deuil. Ça fait une poignée de lignes dans le journal, puisque les écrivains du système, eux, se moquent pas mal d'être lus. La trace laissée par ses ouvrages dans la littérature mondiale est peut-être négligeable. Ce n'est pas grave, elle a connu le plus important : la reconnaissance populaire.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

14 commentaires

  1. Dignité, discrétion, talent.
    Si les Français réapprennent un jour à lire, ils vous retrouveront avec plaisir, Madame.
    Merci.

  2. Bien peinée par sa disparition, trop précoce… Etait-elle malade ? Nous ressentons le deuil pour cette personne aimable, ce véritable écrivain. Car personne ne pourra nier que lorsqu’une plume retient le lecteur c’est que le talent est présent ! Toutes mes condoléances à la famille.

  3. Je lis beaucoup et j’ai une certaine tendresse pour les livres de Madame Bourdin : difficile de lâcher une de ses histoires une fois la lecture entamée.
    Paix à son âme

  4. Merci de rendre hommage à Françoise Bourdin. Les grincheux, à n’en pas douter, lui envient ses fabuleux tirages. Négligée par la critique, c’est sans doute qu’il n’y avait rien à critiquer chez elle. Au fond, les écrivain(e)s écrivent pour qui, pour eux ? Ceux et celles qui le font pour leurs lecteurs sont autrement intéressants. Merci pour tout, Madame, vous partez bien trop tôt et vous nous manquerez beaucoup.

  5. Les livres de Françoise Bourdin comme ceux de Houellebecq, occuperont encore longtemps les étagères de nos bibliothèques familiales tandis que ceux d’Annie Ernaux, dont les récits nombrilistes n’intéressent qu’une minorité de bobos de gôche, serviront tôt ou tard à caler les meubles bancales.

    • Parfaitement d’accord avec vous. Quant au Nobel attribué à Annie Ernaux je suis écœurée ; elle ne le mérite vraiment pas !!!

  6. C’était l’archétype de l’écrivain populaire et ses romans des terroirs sont un régal. Rendez-lui hommage en découvrant l’un de ses livres vous attraperez le virus et ô joie, il y en a quelques-uns. Son style était agréable, descriptif et le fond toujours une belle histoire. Une Femme très sympathique et modeste en plus – Une personne rare de nos jours ! Qu’elle repose en paix ! Condoléances à sa Famille !

  7. Des livres que l’on dévore d’une traite , des histoires de famille qui finissent toujours bien comme c’est souvent dans les familles normales et unies .N’en déplaise à certains elle a eu du succès sans publicité parce que nous ces fans attendions avec impatience le prochain livre , la prochaine belle histoire simple ou l’on retrouvait un peu de chacun de nous . Condoléances à ses proches et merci à elle pour ces bons moments de lecture .

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