Militaires morts en entraînement : l’ingratitude de la nation

Les militaires décédés à l'entraînement sont déclarés « mort en service », une anomalie qu'un député souhaite corriger.
soldat français

Aujourd’hui, un militaire qui décède accidentellement lors d’un entraînement sur le territoire national n’est pas reconnu « mort pour le service de la nation ». Une proposition de loi vise à réparer cette ingratitude.

Le vendredi 2 février 2018, lors d’un vol de formation, deux hélicoptères de l’armée de terre entrent en collision et s’écrasent à Carcès, dans le Var. Le tragique accident coûte la vie à cinq militaires dont le commandant Sébastien Grève. L’officier, appartenant aux Forces spéciales, a un parcours exemplaire. Âgé de 30 ans, marié et père de quatre enfants, il est engagé depuis neuf ans dans l’armée. C’est un pilote reconnu, aux états de service brillants. Il totalise 900 heures de vol, dont 200 de nuit. Comme ses quatre frères d’armes, il est déclaré « mort en service ».

Le 8 décembre 2020, un officier CRS décède dans des conditions similaires, en Savoie. Il aura droit, pour sa part, à la mention « mort pour le service de la nation ».

Réparer une injustice

Cette différence de mention est une injustice que le député de la Drôme Thibaut Monnier souhaite réparer. À cet effet, le député Identités-Libertés (le mouvement que préside Marion Maréchal) a déposé une proposition de loi « visant à étendre le statut et les conditions d’attribution de la mention "mort pour le service de la nation" ». En effet, celle-ci « ouvre l’accès à des compensations financières et matérielles, comme le versement d’une pension de réversion à taux plein ou l’octroi du statut de "pupille de la nation" aux enfants du militaire décédé », peut-on lire dans l’exposé des motifs de sa proposition.

 

Ancien réserviste, le parlementaire explique à BV « avoir toujours eu à cœur de défendre la condition militaire ». Dans sa circonscription, il rencontre la veuve du commandant Grève et est touché par « son incompréhension devant le manque de reconnaissance de la nation ». « Mort en service » est en effet une formule sèche et laconique qui ne témoigne pas la reconnaissance que les militaires et leurs familles sont en droit d’attendre dans de telles circonstances dramatiques. « Lorsqu’un militaire perd la vie en opération, en service ou en dehors, la nation doit soutien et assistance à ses proches en reconnaissance de son engagement », a pourtant déclaré le ministre des Armées Sébastien Lecornu, en juillet 2024. Or, ils sont 130 soldats à ne pas avoir eu le droit à cette mention « mort pour le service de la nation ».

Le métier militaire : un métier pas comme les autres

Pourtant, l’engagement militaire, librement consenti « exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême », comme le précise le Code de la défense. Une exigence légale spécifique et exclusive de l'état militaire qui mérite en retour reconnaissance, notamment lorsque la mort survient. La mention « mort pour la France » est attribuée « lorsqu'un décès est imputable à un fait de guerre, survenu pendant le conflit ou ultérieurement ». La mention intermédiaire « mort pour le service de la nation » a été créée en 2012 pour les militaires ou agents publics décédés « du fait de l'accomplissement de [leurs] fonctions dans des circonstances exceptionnelles ». Depuis 2016, cette mention est toutefois réservée aux militaires décédés du fait « de l’acte volontaire d’un tiers ». Ainsi, les soldats décédés accidentellement « lors d’un entraînement, d’un exercice de préparation opérationnelle ou en mission intérieure (OPINT) » en sont privés.

Pour Thibaut Monnier, « les militaires doivent se sentir protégés lorsqu’ils sont en service commandé et avec potentiellement un décès sur le territoire national ». Dans un courrier qu'il a adressé au président de la commission de la Défense nationale et des forces armées (le député macroniste Jean-Michel Jacques, lui-même ancien officier marinier), pour présenter son initiative, il explique : « Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres »« de nombreuses familles réclament que leur soit étendue la menton "mort pour le service de la nation", ainsi que l’attribution des droits qui y sont attachés ». À ce jour, la proposition de loi fédère 70 parlementaires de droite, tous partis confondus (RN, UDR, LR).

Jean-Pierre Woignier avait un fils sous-officier parachutiste au 3e RPIMa. Le soldat a trouvé la mort, en 2017, en plein entraînement dans un accident de véhicule. Le ministre de l’armée de l’époque, Florence Parly, ne l’a pas reconnu « mort pour le service de la nation ». Pour lutter contre cette injustice, il a créé une association au nom évocateur : « Les Oubliés de la Nation ».

Picture of Yves-Marie Sévillia
Yves-Marie Sévillia
Journaliste chez Boulevard Voltaire

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Pour lutter contre cette injustice, il a créé une association au nom évocateur : « Les Oubliés de la Nation ». Il faudrait rajouter les Pupilles de la Nation, les orphelins de guerre qui ont perdu leur père et qui sont morts pour la France ! A ce jour ce sont des oubliés !

  2. Il me semble au contraire tout à fait utile de distinguer les militaires qui sont morts au combat de ceux qui sont morts par accident comme cela peut arriver dans n’importe quel métier.
    Cependant M. Monier est admirable de générosité et d’amour de nos militaires, d’autant plus que ce n’est pas son argent qu’il compte distribuer ainsi…
    Mais comme disait l’autre, « ça ne coûte rien puisque c’est l’Etat qui paie ! »

  3. Quand on meurt à l’entraînement c’est un accident du travail. Car cela ne doit pas arriver. Quand on meurt au combat, c’est parce que notre engagement pour la France nous le demande. Les deux n’ont rien à voir. Cette loi conduirait à dévaloriser le mort pour la France.

  4. Comment cacher les morts en opération extérieure : la grande muette les cache facilement dans des accidents en service. Cela vient a point quand nous guerroyons avec la Russie.

  5. Il est tout à fait normal que les militaires soient reconnus pour leur engagement et leur sacrifice au nom de la France. Très belle initiative de la part de ce député, j’espère que LFI ne s’opposera pas à cette proposition de loi justifiée

  6. Encore une aberration dont la France à le secret en jouant sur les « morts » ! Merci à ce député qui rétablit cette injustice. Souhaitons que ces collèges le suivent.

  7. Si l’on veut des militaires efficaces il faut les entrainer . L’entrainement fait partie du service à la nation . Il est donc normal de considérer que ces braves sont tombés pour le service de la nation . Gloire , honneur et respect leurs sont dus . Et l’état se doit d’aider et de protéger leurs familles .

  8. Il faut en effet reconnaitre et assumer le service rendu au pays par ces serviteurs de la nation décédés du fait de leur métier (hors suicides? à expertiser), et prendre le relais des militaires et policiers décédés auprès de leurs familles, époux et enfants mineurs. C’est la moindre des choses.

    • Ne serait-ce pour des raisons bassement économiques tout comme l’euthanasie pour les vieux qui coûtent trop cher à la société… pendant ce temps des migrants bénéficient des largesses de l’Etat !
      Ces chefs d’Etat, qui pour la plupart n’ont jamais fait leur service militaire, sont bien ingrats vis-à-vis de nos militaires engagés et morts (accidentel ou non) pour la France ! Tous nos militaires ont droit au respect de la nation

  9. Très bien j’espère que cette proposition de loi passera a l’assemblée, ce n’est que justice et reconnaissance pour ces gars ou femmes bien sur qui protègent notre nation.

  10. Oui je suis pour que les militaires qui disparaissent lors d’exercices soient « déclarés mort pour le service de la nation  » En effet un entrainement n’est pas anodin , moi même ancien sous marinier ,j’en sais quelque chose ,je pense à « la MINERVE » sous marin disparu , au « KOURSK » entre autre …

    • J’ai connue a l’époque un ancien sous-marinier et un ancien du 1e REP et on parlait souvent de nos aventures et je me rend compte que même dans les sous marins la vie n’est pas toujours facile.

      • Dans les sous-marins c’est « l’ennui ou l’angoisse »… Dixit les sous-mariniers eux-mêmes.

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