Il est difficile de refuser l’accès à un migrant. En particulier si ce dernier a été reçu avec enthousiasme par les dirigeants d’un milliard et demi de musulmans sunnites. Ou encore si celui-ci s’est fait accorder par Israël, vibrant épicentre d’un Occident en quête de raison d’être, la confirmation de la prophétie de 1776 : les États-Unis sont l’écorce du monde.

Le pape a dû, donc, recevoir Trump, vite fait, afin de lui rappeler sans doute qu’il n’y a pas d’écorce sans noyau et que, par ailleurs, l’« Occident » n’est pas un point fixe sur la carte du monde : le catholicisme cesse d’incarner l’Ouest pour représenter le Sud. Un Sud sans frontières, surtout quand il s’agit de celles des États-Unis ou de l’Europe…

Tel est le filigrane qui guide François : il semble, en effet, faire sa croix sur un Ouest devenu mécréant, constat partagé d’ailleurs par les peuples musulmans.

Après tout, l’« Ouest » vieillissant ne représente plus que 15 % des sept milliards et demi d’habitants de la planète. 15 % d’« âmes mortes », épuisées à force de vente et de revente, broyées dans la culpabilité, étouffées dans un hédonisme petit-bourgeois qui croit avoir inventé le bonheur, clignant de l’œil, abjurant ses racines, sentant le cercueil. Alors, autant guider les troupeaux qui ont faim de clarté vers les excellents pâturages de ceux qui n’attendent plus rien de la vie, entre deux Manchester…

De quoi ce pape a-t-il bien pu discuter avec Donald Trump ? Officiellement, selon le général McMaster, de la liberté et des persécutions religieuses, des missions humanitaires, de la traite des personnes. Sur le vol de retour de Fatima, le pape avait refusé de critiquer Trump, disant : "Il y a toujours des portes qui ne sont pas fermées."

Les médias américains, qui continuent de considérer que Trump ne finira pas l’année, expriment le plus grand scepticisme, rappelant que le Saint-Siège s’était aligné sur le programme de Hillary Clinton ("pas de murs, des ponts"). Certes, mais le père Jonathan Morris rappelait, sur Fox News, que l’archevêque Silvano Tomasi, représentant du Vatican à l’ONU (Genève), avait été le premier à officiellement endosser l’usage de la force, dès mars 2015, afin de stopper le génocide du soi-disant État islamique (Crux, 15 mars 2015). Tomasi précisait que cet usage ne pouvait s’inscrire dans une opération strictement occidentale, et que les états musulmans se devaient d’y participer sous la coordination de l’ONU. RAS…

L’« appel de Riyad » a traité du sujet, Trump mettant 55 pays sunnites au pied du mur, pour ce qui touchait à l’exigence d’un effort collectif contre l’État islamique… en échange de la peau de l’Iran et de la Syrie. Et d’armements, bien sûr.

Nous ne saurons pas comment le pape interprétera cela. Mais il appréciera sans doute la capacité du gouvernement américain à organiser (avec ses amis saoudiens) un show tout de même "renversant", tout comme l’intention réaffirmée de ne pas procéder à des changements de régimes, sauf exceptions bien sûr. Sans oublier la question de l’avortement, Trump (et les caciques républicains) étant sous la loupe des groupes de pression évangélistes.

En tout cas, le Saint-Père a impressionné Trump. Ce dernier lui a lancé, au moment du départ : "Je n’oublierai jamais ce que vous m’avez dit." Sibyllin…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:31.

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24 mai 2017 à 20:01

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