Messieurs les ronds-de-cuir

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Je n’ai pas l’intention de cracher par principe sur l’Administration française : mon père et mes grands-pères ont été d’honorables fonctionnaires. Commençons donc par reconnaître ses mérites. Les fonctionnaires français sont (en général) raisonnablement compétents, suffisamment honnêtes, à peu près travailleurs pour la plupart.

Ce satisfecit étant accordé, il faut souligner « en même temps » que l’Administration française souffre de défauts agaçants que « l’année du coronavirus » a fait éclater au grand jour. Elle est, en effet, pataude, c’est-à-dire « lente et lourde dans ses mouvements », alors qu’elle devrait être agile et alerte, pour remplir sa mission propre, spécialement dans les moments de crise. Donnons-en quelques exemples significatifs.

On s’est beaucoup lamenté sur le nombre insuffisant des lits de réanimation. Or, le secteur hospitalier privé, qui travaille dans les mêmes conditions techniques que l’hôpital public, a proposé dès le départ d’ouvrir de tels lits : mais comme l’Administration est persuadée d’être la seule à viser le bien général, tandis que le privé ne chercherait qu’un vil profit, cette proposition n’a même pas été examinée en un an d’épidémie.

Autre exemple. Le jeudi 18 mars 2021, le Premier ministre annonce un troisième confinement. Le samedi 20, au matin, paraît sur le site du gouvernement une attestation de sortie : elle comprend quinze motifs possibles sur deux pages, avec trois périmètres différents de circulation. Devant le tollé, le gouvernement revoit sa copie en urgence et produit une attestation simplifiée : celle-ci ne comporte plus que… douze motifs, et toujours sur deux pages. Il faudra plusieurs semaines aux têtes d’œuf pour parvenir à une attestation ne comportant plus qu’une page avec huit motifs.

Troisième exemple, la campagne vaccinale (quoi qu’on pense, par ailleurs, du fait même de se faire vacciner). Vacciner plus de cinquante millions de personnes dans un délai bref, avec des vaccins qui exigent une réfrigération de haute technologie, demande une logistique serrée. Il n’est pas surprenant que l’Administration n’ait pas les moyens de faire face aisément à un tel défi, et personne ne le lui reprochera. Mais puisqu’il existe, précisément, des gens dont le métier correspond à ces aspects particuliers (comme les grands transporteurs-logisticiens), il suffirait de faire affaire avec eux pour ces difficultés spécifiques. Or, l’Administration française, persuadée qu’elle seule recherche le bien général, tandis que les transporteurs ne seraient que des monstres avides de lucre (air connu), a préféré tout faire par elle-même. Bien entendu, n’ayant ni le matériel requis ni les compétences nécessaires, elle a abouti à un lamentable cafouillage (à comparer à l’efficacité des États-Unis, du Royaume uni, et même d’Israël).

Dans le même genre, après avoir réservé au départ la vente des masques aux seules pharmacies, avant d’autoriser finalement leur vente partout, voici qu’on a recommencé avec les autotests sans tirer, donc, aucune leçon de l’expérience, tandis que la distribution dans les lycées, pour plus de deux cent cinquante millions d’euros, tournait au fiasco.

Et si, pour parler comme Courteline, « Messieurs les ronds-de-cuir » de l’Administration française (sans vouloir offenser les femmes) faisaient l’effort de sortir de leur autisme (sans vouloir offenser les malades) et de leur goût immodéré pour la paperasserie absurde ?

Alexandre Dumaine
Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

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