Les Chinois sont patients. Ce qui n’a rien de véritablement surprenant, s’agissant d’une nation qui, même si formée de divers peuples et de presque autant de religions, importées au fil des siècles, affiche quelques millénaires d’histoire. De la patience, il leur en a d’ailleurs fallu pour attendre le retour de Hong Kong dans le sein de la mère patrie. En effet, dès 1842, l’île a vécu sous occupation anglaise, avant d’être rétrocédée à Pékin en 1997.

Avec Macao, ancienne colonie portugaise, Hong Kong est l’autre RAS (région administrative spéciale) chinoise. Si la première est traditionnellement calme (les Lusitaniens, même après avoir découvert le vaste monde, ne sont pas connus pour leur volonté hégémonique à échelle planétaire), il en va tout autrement de la seconde, connue pour sa défiance chronique vis-à-vis de l’autorité centrale et singulièrement plus réceptive à ces concepts de l’Occident lointain, tels que démocratie libérale et autres gadgets idéologiques d’importation.

Du coup, ça chauffe dans l’une des premières villes-monde, vitrine du nomadisme financier, peuplée de sept millions de plus ou moins Chinois et, accessoirement, intermédiaire bien pratique pour le gouvernement de Xi Jinping, sachant qu’elle lui permet de faire transiter 60 % des investissements étrangers dans l’empire du Milieu. Bref, autant dire que les récentes manifestations agitant cet îlot ne sont pas particulièrement bien vues de cet étrange régime, mêlant un peu – ou trop – le moins bon du capitalisme sauvage et le pire de ce qu’il faut bien nommer un État policier, faute de meilleure définition.

Ce mardi 1er juillet, des dizaines de milliers de manifestants sino-sceptiques ont donc investi le Parlement local. En 2014, il y avait déjà eu pareils troubles. Nos médias surnommèrent cela la « révolution des parapluies » ; ce qui faisait assez joli, en fin de saison des « printemps arabes ». Et qui pouvait pousser, même aujourd’hui, encore et surtout, à demeurer perplexe quant à « l’élan démocratique » des populations concernées : à chaque émeute colorée ou portant sobriquet paraissant sorti des meilleures officines de communication, on est effectivement en droit de se demander…

Voilà qui peut aussi expliquer pourquoi la très officielle agence Xinhua, équivalente de notre française AFP, prévenait, dès le 15 juin : « Toute tentative de créer le chaos dans la région administrative spéciale de Hong Kong et de perturber sa prospérité et sa stabilité sera certainement contestée par tout le peuple chinois et vouée à l’échec. »

Et pour ceux qui n’auraient pas saisi qu’au-delà d’un certain lyrisme confucéen, les réalités politico-économiques ne sont jamais loin, la même source confirme : « La prospérité et la stabilité de Hong Kong, un partenaire majeur pour les US, sont conformes aux intérêts de la partie américaine, tandis que le chaos n’est pas du tout positif pour la partie américaine. » » Ce qui, en clair, signifie qu’en pleine guerre économique entre Washington et Pékin, le second demande à l’autre de se mêler de ses propres affaires.

Du côté américain, ça ne bouge pas plus que de raison, les réactions demeurant, pour l’instant, dans le champ du raisonnable, fait assez notoire pour être noté, sachant les traditionnelles foucades de Donald Trump.

De toute cette affaire pour le moins complexe, un fait demeure : les idéologies étatiques peuvent changer, mais rarement celles des nations et des intérêts vitaux y afférents. En ce jeu, les Chinois ont, l’évidence, quelques longueurs d’avance, ayant depuis longtemps intégré le fait qu’un Mao Tsé-Toung n’était jamais qu’un empereur Ming « presque » comme les autres.

Ce qui démontre, une fois de plus, la supériorité intrinsèque du temps long et historique, contre notre temps court, immanquablement soumis aux caprices de l’air du temps, à ceux des minorités agissantes et à la politique de Gribouille.

En attendant, l’Europe n’a pas trouvé de président pour sa Commission. Nous voilà beaux.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:05.

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02 juillet 2019 à 23:10

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