Écologistes gazés par les CRS : s’indignerait-on autant s’il s’agissait d’autres manifestants ?
L’évacuation musclée des écologistes par les CRS sur le pont de Sully a provoqué l’indignation de toute la gauche, des people - en la personne de Marion Cotillard, qui est pourtant une mère courage : on se souvient que, selon Paris Match, elle avait, cet hiver, « bravé la neige pour assister aux défilés Chanel » - et même, plus insolite, du gouvernement lui-même, comme s’il n’avait pas été là au début, pas tout suivi, se réveillait d’une petite sieste, bref, comme si l’homme invisible, Dr. No, Goldfinger ou tout autre vilain monsieur très méchant avait pris secrètement les manettes avec un petit rire sardonique quand il avait le dos tourné. Christophe Castaner réclame des explications au (nouveau) préfet et saisit l’IGPN, la sénatrice EELV Esther Benbassa, assez logiquement, rétorque sur Twitter que c’est plutôt à lui qu’il faut en demander ! La politique de Ponce Pilate est un fusil à un coup, et celui-ci a déjà été tiré durant les gilets jaunes. Si le CRS en week-end s’autosaisissait lui-même - « tiens, si j’allais mettre un peu d’ordre parmi ces branquignols qui gênent la circulation ? », sans être missionné par toute-une-chaîne-hiérarchique-avec-au-sommet-qui-l’on-sait -, cela se saurait. C’est bien aussi, parfois, de savoir prendre ses responsabilités plutôt que de fouiller dans le tiroir à fusibles. Quoi qu’il en soit, une enquête est désormais ouverte pour « violences volontaires » et l’IGPN est saisie.
La vidéo circule, enfle et gronde sur les réseaux sociaux, confirmant que les militants ont été « gazés à bout portant » (RMC-BFM TV). Comme si c’était nouveau, dingue, effarant. Comme si cette pratique - fort désagréable, on en convient bien volontiers, et qui a ses dégâts collatéraux, car le gaz en question ne différencie pas les manifestants des passants ni des journalistes - n'était pas utilisée allègrement depuis des dizaines d’années. J’en ai, moi-même, encore fait les frais il y a quelques mois, avec les gilets jaunes, maudissant in petto, le nez dans le Kleenex™, les CRS jusqu’à la 72e génération. Linda Kebbab, représentante du syndicat Unité SGP Police FO, l’admet d’ailleurs bien volontiers à la télé : « Notre travail n’est pas glamour, on n’est pas là pour maquiller les gens. »
Il est indéniable que la méthode est brutale et que l’on pourrait imaginer, peut-être - je ne suis pas spécialiste -, d’autres façons pour disperser des manifestants non belliqueux, encore que les canons à eau puissent être, dit-on, plus dangereux.
Mais l’indignation ne tient-elle pas plus à la qualité des manifestants qu’aux méthodes employées ?
Ils ont été incommodés, mais après avoir pleuré comme à l’enterrement de leur grand-mère et craché tripes et boyaux, leur vie a repris, identique à ce qu’elle était auparavant. On ne peut pas en dire autant des gilets jaunes qui ont perdu un œil, cet hiver, marqués à jamais dans leur chair. Où en sont, pour eux, puisqu’on en parle, les enquêtes de l’IGPN ? Bouclées à Pâques ou à la Trinité ?
Les écolos d’Extinction Rebellion se déclarent, certes, non violents, mais prônent la désobéissance civile et appartiennent à cette mouvance internationale radicale très organisée, habituée à instrumentaliser les images, cette nébuleuse d’extrême gauche utopique décrite par Éric Delbecque dans son livre Les Ingouvernables, ne comptant pas que de gentils poètes amoureux des pâquerettes et de la planète.
Sur YouTube, les vidéos d’enfants en sanglots gazés par les CRS durant la Manif pour tous du 25 mars 2013 sont légion, aisément consultables. Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur d’alors, s’était indigné aussi… mais de l’expression « enfants gazés », un « amalgame scandaleux », selon lui.
Selon que vous serez puissant ou misérable… selon que vous serez dans les petits papiers du gouvernement ou réputé peu respectable.
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