Magazine Franc-tireur : c’est donc ça, leur conception de la nuance ?
Attention, roulement de tambour. C’est nouveau, ça vient de sortir en kiosque, ça s’appelle Franc-tireur. On y retrouve — si tant est qu’on les ait quittés un jour, tant ils sont omniprésents dans les médias - Caroline Fourest, Raphaël Enthoven, pour citer les plus célèbres, et, bien sûr, Christophe Barbier, codirecteur de la rédaction.
D’après Caroline Fourest, « conseillère de la rédaction », « ce magazine s’adresse à ceux qui [croient] encore à la nuance et au pouvoir de la raison dans le débat pour faire avancer les choses ». Christophe Barbier, directeur de la rédaction, cité par Le Figaro, utilise lui aussi les mêmes éléments de langage, évoquant le « moyen pour que la raison et la nuance soient écoutées ».
Pour ce numéro 1, censé donner la ligne éditoriale, on ne peut préjuger du nombre de lecteurs, mais il y a déjà une certitude : la nuance et la raison, bruyamment annoncées urbi et orbi, ont dû rater le départ du train car elles sont aux abonnés absents.
Si l’idée est de « combattre l’obscurantisme et tous les extrêmes par la rationalité avec un manifeste hebdomadaire », à quelques mois de l’élection présidentielle 2022, c’est surtout « un extrême » - suivez mon regard - qui est visé en une et en double page intérieure, sous ce titre fin et délié : « Les cathos intégristes de Zemmour » : Enquête sur une nébuleuse d’individus sulfureux et de réseaux extrémistes. » Les illustrations ont le mérite, également, de la clarté, à défaut du bon goût. On jurerait du mauvais Charlie Hebdo, les pantoufles en plus, cela va de soi, car caricaturer Éric Zemmour, la Sainte Famille, un curé et Christine Boutin est, bien sûr, d'un confort absolu, garanti sans danger, ces « intégristes », ces « radicaux » ayant la susceptibilité nettement moins à fleur de peau que d'autres.
Dans le dossier, un spécialiste de la cathosphère comme moi de la société esquimaude a au moins compris, si l’on en juge par sa subtile enquête, la technique du chapelet : il y égraine les leçons bien apprises par paquet de dix, sans crainte de se répéter. « Versailles, c’est la France de Louis XIV, celle de la fille aînée de l’Église où, avec le XVIe arrondissement de Paris et Lyon, se trouvent le plus grand nombre de Marie-Chantal au kilomètre carré » (sic). Et dans cet univers se trouvent des individus qui « se signent quand passent devant eux un musulman ou un homosexuel » (resic). Mais aussi de « nombreux adeptes des manifestations contre le PACS de 1999, où s’entendaient de doux slogans comme les pédés au bûcher ou pas de neveux pour les tantouzes » (reresic). Penser, pour le numéro 2, à la cohérence d’ensemble : Entre les Marie-Chantal au petit doigt en l’air et les insanités, il faut choisir.
Bref, ce nouveau franc-tireur n’est hélas ni nouveau - pour la datation des clichés ringards, on penche pour les eighties - ni franc-tireur - c’est, au contraire, le bon petit soldat discipliné de l’armée régulière.
Certaines sources bien informées glissent que le soutien financier de l’affaire, le milliardaire tchèque Daniel Křetínský, chercherait une respectabilité politique et médiatique qu’il aurait eu la déception de ne pas trouver dans son autre titre de presse, Marianne, par trop indépendant. Avec tant de gages donnés, il serait vraiment injuste que son projet ne soit pas couronné de succès.
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