Macron veut un CNR mais cherche toujours les responsables du chaos au Stade de France

MACRON

Il est enfin sorti de son silence. Nous avions, depuis des mois, un candidat fantôme puis un Président fantôme. Mais la stratégie de l'enjambement électoral trouvant ses limites, avec le risque, selon les sondages, que le camp Macron n'obtienne pas la majorité absolue, le Président se devait de parler, à une semaine du premier tour des législatives. Ses sorties aux urgences et à l'école ne suffisaient pas, et elles ont plutôt eu tendance à énerver les soignants et les enseignants. Il devenait donc urgent d'éteindre le feu Mélenchon. Quoi de mieux qu'une interview du vendredi soir à la PQR, trop ravie d'assurer le service ?

Quoi de mieux, aussi, qu'un bon vieux symbole historique venu des heures sombres pour trianguler à tout va ? Donc, le CNR. 1943, de Gaulle, Jean Moulin, l'unification des mouvements de Résistance, des communistes à la droite, la Sécurité sociale, les nationalisations, la retraite pour tous. Le R du CNR de Macron, ce sera la « refondation » : « Je veux réunir un Conseil national de la refondation, avec les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de citoyens tirés au sort. Ce conseil, que je lancerai moi-même, sera enclenché dès après les législatives. » Et Élisabeth Borne sera chargée, si elle est encore là dans quinze jours, de le « faire vivre ». Macron assume la grandiloquence de la récupération du symbole en arguant de la guerre. Mais la seule mention des « citoyens tirés au sort » ne laisse pas de doute : le CNR Macron sera un avatar du grand débat, dont les « cahiers de doléances » ont fini à la poubelle.

Sinon, le Président a confirmé que la réforme des retraites serait menée rapidement pour entrer en vigueur dès l'été 2023.

Mais on l'attendait évidemment sur sa version du chaos au Stade de France. Allait-il persister dans le déni en réaffirmant son soutien à un ministre de l'Intérieur en mauvaise posture devant l'évidence et le mécontentement des Français ? Il semblerait qu'il ait opéré le début d'un commencement de retournement, et de lâchage de Darmanin, dont le nom n'est même pas cité : « J’ai une pensée pour les familles qui ont été bousculées, qui n’ont pas pu accéder aux places qu’elles avaient payées. C’est pour cela que je souhaite qu’on puisse les indemniser le plus vite possible. J’ai demandé au gouvernement de déterminer les responsabilités et de les expliquer dans les moindres détails à nos compatriotes, aux Britanniques et aux Espagnols. »

Le Président Macron en mode ronron : avec le CNR et la retraite à 65 ans pour les autres, cela devrait suffire à rassurer les retraités de son électorat. Mais certainement pas à éteindre l'incendie Stade de France, et tout ce qu'il révèle, car cette fois, c'est l'image de la France à l'étranger - un créneau sur lequel Macron se prétendait imbattable - qui en a pris un coup. La tête du préfet de police ne suffira peut-être pas.

Enjambement, évitement, course derrière Mélenchon à coups de symboles - de Pap Ndiaye au CNR -, mensonges de moins en moins tenables sur la situation migratoire et sécuritaire : Emmanuel Macron prend le risque de perdre sur les deux tableaux. À l'Assemblée, mais aussi après les législatives, quand les choses sérieuses recommenceront.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/06/2022 à 15:23.
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Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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