Macron lâche Benalla, le chouchou de l’Élysée
On en apprend, chaque jour, un peu plus sur Alexandre Benalla et les privilèges de cet enfant gâté – privilèges dont il aurait vraisemblablement continué de bénéficier si l'affaire n'avait pas été publiquement révélée, le 18 juillet. Ne parlons pas des clés de la villa du Touquet, que lui aurait confiées le couple présidentiel : on confie bien ses clés à son voisin ou à sa femme de ménage. Limitons-nous à quelques faits.
Son grade dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie laisse pantois. On a beau expliquer, comme Gérard Collomb ou le directeur de cabinet du président de la République, que ce grade est provisoire, lié à la durée de sa fonction de « spécialiste expert », on ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui a fait don de sa vie, le 23 mars 2018, en se substituant à un otage.
Les services de la gendarmerie avaient émis des réserves sur l'attribution de ce titre à un homme qui ne répondait en rien aux critères, mais un ordre venu de très haut les aurait contraints à obtempérer. Il est vrai que le président de la République est le chef des armées. Cette information a suscité une émotion légitime parmi les vrais gendarmes et sur les réseaux sociaux. On peut, en effet, se demander quelles étaient les compétences hors normes de cet ancien garde du corps pour mériter ce traitement d'exception.
L'audition de Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, a également été instructive. Comme un député lui demandait pourquoi Alexandre Benalla a continué d'exercer certaines de ses fonctions après sa suspension de quinze jours, il a expliqué que c'était un homme très actif, toujours disponible, très efficace et qu'en période de réduction des effectifs, on ne pouvait s'en passer. C'est dire combien il s'était rendu indispensable : il continuait de s'occuper de questions de sécurité, notamment des déplacements non publics du Président.
On ne voit pas comment ce traitement de faveur aurait pu lui être accordé s'il ne vivait pas dans l'intimité du couple présidentiel et ne disposait pas d'appuis solides, à défaut d'être apprécié par le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Tous les syndicats policiers, auditionnés par le Sénat, ont dénoncé "la confusion des rôles", "l'ambiguïté des fonctions", "les relations exécrables" qu'il entretenait avec les forces de l'ordre, son comportement "autoritaire et déplacé". Sans doute devait-il se sentir intouchable et protégé au sommet de l'État ?
Comment expliquer, aussi, qu'on lui ait attribué un appartement de fonction, quai Branly, bien après les incidents du 1er mai et la sanction prise à son égard ? D'autant plus que la réduction de ses responsabilités ne justifiait pas cette attribution, généralement accordée pour nécessité absolue de service.
Emmanuel Macron, qui doit trouver que ça commence à sentir le roussi, a cherché à rassembler ses troupes en lançant, mardi soir, devant les députés LREM et quelques ministres, réunis pour un pot de fin de session parlementaire, un défi jupitérien : "S'ils veulent un responsable, il est devant vous." Il assume et laisse entendre qu'il est prêt à "[répondre] au peuple français". Il se dit trahi par son protégé qui, selon son avocat, n'est intervenu qu'"en qualité de citoyen". D'ici qu'il réclame la Légion d'honneur pour son client !
Macron, ne pouvant nier la réalité des faits, lâche donc l'homme qui, pendant plus d'un an, fit partie de ses plus affidés. Ainsi finit l'itinéraire d'un enfant gâté. Mais les premiers coupables ne sont-ils pas ceux qui ont cédé à ses caprices, voire les ont encouragés ?
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