[L’œil américain] Trump, l’actrice porno et les Frankenstein judiciaires

donald-trump-reuters_650x400_61501690420

Ses adversaires jubilent. Le moment tant attendu est enfin arrivé. À New York, le premier procès pénal d’un ancien président américain a débuté cette semaine. Et Donald Trump s’est retrouvé, ce lundi, à la seule place qu’ils estiment légitime : le banc des accusés. Première étape judiciaire avant la case prison, espèrent-ils.

Nouvelle étape médiatique avant sa dégringolade électorale, espèrent-ils également. Même si, depuis le début, la foultitude d’inculpations qui s’est abattue sur lui a abouti à l’effet inverse, comme en témoignent les sondages. L’ascenseur pour l’échafaud s’est transformé en tremplin pour décrocher l’investiture du parti et faire exploser la collecte de fonds.

Une judiciarisation à double tranchant

Si les démocrates, les médias mainstream et l’establishment du Parti républicain le désignent comme leur cible, c’est bon signe, ont pensé un certain nombre d’électeurs. « Honnêtement, les actes d’accusation renforcent encore plus mon soutien », confiait au New York Times, en août dernier, un soutien de l’ancien président. « Ils ont militarisé notre gouvernement tout entier contre des gens comme nous. Chaque fois qu'il est inculpé, des dizaines de milliers d'entre nous se rendent aux urnes », ajoutait-il.

La judiciarisation de la vie politique est, en réalité, une arme à double tranchant. Trump le sait et a su en jouer habilement. Sa photo d’arrestation publiée l’été dernier, à l’occasion d’une autre procédure, est devenue un symbole de résistance pour ses partisans. On retrouve, depuis, sa mine renfrognée sur des tee-shirt, des bonnets ou des casquettes avec différents slogans : « Never Surrender! » (Ne jamais se rendre, ne jamais capituler) ou encore « Recherché pour un deuxième mandat ».

Le déplacement de la campagne sur la scène judiciaire constituera-t-il un point d’inflexion ? Difficile à dire. La dernière enquête d’opinion Harvard CAPS/Harris démontre la difficulté des prédictions. Certes, 54 % des Américains considèrent que l’ancien président a commis des délits. Cependant, ils sont, dans le même temps, 57 % à déclarer que les démocrates instrumentalisent le système judiciaire afin d’éliminer un opposant politique.

Des accusations qui posent question

Or, l’affaire pour laquelle est jugé Donald Trump, à partir de cette semaine, a de quoi alimenter de légitimes suspicions. Mêmes les médias les plus hostiles à Trump reconnaissent la fragilité de l’édifice juridique sur lequel reposent les poursuites. En effet, pour arriver à ses fins, le procureur de New York, Alvin Bragg, a dû faire preuve d’audace, pour ne pas dire d’imagination, afin de transformer un délit mineur déjà prescrit en un crime passible de quatre ans de prison.

C’est ainsi qu’une affaire de versement présumé d’une somme de 130.000 dollars par un avocat de Trump, Michael Cohen, dans le but d’acheter le silence d’une actrice de films porno avec lequel l’ancien président aurait eu une liaison est passée du stade de soupçons de falsifications de documents commerciaux à une malversation ayant eu pour objectif d’influencer l’élection présidentielle.

L’actrice, Stephanie Clifford, avait narré son aventure en 2011 dans une interview au magazine In Touch mais les menaces de poursuites judiciaires avaient conduit à l’annulation de la publication. La campagne présidentielle de 2016 aurait, cependant, réveillé l’appétit pécuniaire de la belle qui aurait cherché à monnayer l’histoire licencieuse aux médias. Alerté, l’avocat de Trump serait alors entré en contact avec elle afin de conclure un accord.

La somme versée par Michael Cohen avait été, par la suite, remboursée et intégrée de façon déguisée dans les comptes de la Trump Organization en tant que « frais juridiques ». Un bidouillage de comptabilité considéré comme un délit mineur dans l’État de New York et, surtout, prescrit au bout de deux ans.

Pas de quoi arrêter le procureur, qui a considéré que « l'intention de frauder » de Donald Trump contenait, en réalité, l'intention de commettre ou de dissimuler un deuxième délit… qu’il n’a pas caractérisé dans son acte d’accusation.

C’est plus tard qu’Alvin Bragg a notamment avancé que les versements à la star du 7e art pour adultes constituaient un don illégal à la campagne de Trump en partant du principe que la faire taire profitait à sa candidature.

Des acrobaties juridiques qui sèment le doute et qui renforcent le sentiment que les différentes procédures engagées contre l’ancien président relèvent bien souvent d’un concours Lépine judiciaire à visée partisane.

L’hiver dernier, les adversaires de Trump ont tenté de le faire déclarer inéligible à la primaire républicaine en se fondant sur l’article 3 du 14e amendement de la Constitution. Un amendement adopté après la guerre de Sécession. Là encore, il s’agissait d’une innovation. À l’époque, un juge avait parlé de « Frankenstein procédural ». On pourrait en dire autant des accusations portées contre Trump à New York.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

23 commentaires

  1. La justice américaine semble moins « engagée » ( restons courtois ) que la nôtre. La mafia démocrate n’a eu la peau que d’un président, Nixon, a échoué dans ses manoeuvres contre Reagan, comme elle devrait le faire face à Trump.

  2. Quelle scandale la justice américaine ne vaut pas mieux que la notre, bon ils sont en plein progrès semble-il, attendons qu’ils en finissent on perdra pas de temps comme çà.

  3. Il n’y a pas que chez nous les deux poids , deux mesures. Aux States aussi. On fait un procès à Donald Trump pour une affaire datant de 2016, je crois ! Quid des frasques de Clinton dans le bureau ovale avec sa secrétaire, bien particulière ? Quid, en remontant le temps, des frasques d’un Kennedy ? Ce qui est drôle à pleurer c’est que, comme chez nous, ce sont les politiciens de droite qui font les frais des magouilles de gauche. On l’a vu avec Sarkozy empêché de se représenter, avec Fillon évincé pour une histoire de costumes, on le voit avec Marine Le Pen pour une histoire de … chaos !! Bref que ce soit en Amérique ou en France, la gauche, n’ayant aucun argument ni projet à proposer au peuple, se vautre dans l’outrance et la fange car tout est bon même l’infâme pour discréditer l’adversaire, le concurrent.

    • « Si vous ne pouvez pas répondre à l’argument de quelqu’un tout n’est pas perdu. Vous pouvez encore l’injurier » – Elbert Green Hubbard 1856-1915

  4. Très instructif sur l’agressivité des démocrates. Instructif aussi sur l’indépendance des Juges aux USA. Voilà qui devrait nous faire rêver en regardant nos juges français politisés à souhait et qui ont condamné François Fillon dès que l’ordre leur en a été donné.

  5. On croit rêver lorsque l’on entend parler de ce procès ! En France, que de scandales de ce genre, que d’hommes politiques (Mitterand en tête) qui ont profité de l’argent public pour satisfaire leurs appétits sexuels, que d’élus notamment au parlement et au Sénat qui ont un casier judiciaire et dont certains reconnaissent même avoir été trafiquants de drogue, mais qui continuent à pavoiser, à donner des leçons aux honnêtes gens et à être grassement entretenus par le con-tribuable.

  6. Trump résiste car le système judiciaire et médiatique américain garde malgré tout une certaine droiture et lui permet de se défendre et de s’en sortir indemne. C’est très comparable à l’acharnement du PNF contre Fillon, mais le dénouement a été différent dans notre justice et nos médias de république bananière.

  7. La justice s’intéresse beaucoup moins aux turpitudes de la famille Biden père et fils en Ukraine, deux poids 2 mesures

  8. Trump avait enlevé son costume … et Fillon endossé les siens. C’est ça le rapport des juges à la démocratie ? Gare au goriiiille !

  9. Comme le disait Jean Pierre Mocky « ce qui fait marcher le monde c’est le c.. et l’argent » , une fois de plus cette triste vérité est de mise . Si un grand nombre de ses électeurs lui accordent leur confiance , c’est qu’ils considèrent cette faute comme dérisoire en rapport à l’avenir de leur pays , commandé actuellement par un homme sénile , perdant ses fonctions cognitives ce qui représente une menace pour le pays mais au delà , si d’aventure il renouvelait son mandat.

    • « c’est qu’ils considèrent cette faute comme dérisoire en rapport à l’avenir de leur pays ». C’est vrai pour l’Américain moyen, non pour le financier puritain au pouvoir pour lequel le sexe est le seul péché mortel.

  10. Au premier abord, comme ça, à priori, je dis que chacun est libre de fréquenter telle ou telle personne. Comme  » ça la fiche mal » ( avec ce politiquement convenable ) , il est préférable que la dame ( j’allais écrire _ sérieux_ « ne pipe mot » ), se taise disons… Voilà là aussi où nous en sommes. Du coup ( excusez moi ) D. Trump se retrouve accusé tel un brigand. Moi, ça ne me le rend pas du tout anti-pathique, au contraire.

  11. Tout est bon pour le discréditer mais , par contre , nos journaux devraient s’abstenir de tous commentaires quand on connait le passé de l’épouse de notre président qui n’avait que 16 ans ……

    • Et oui, et personne n’ose en parler, pourtant il s’agit bien a priori de détournement de mineur à l’époque. Mais je n’ai pas dû tout comprendre…

    • A croire que l’accusation de détournement de mineur par personne en charge d’autorité n’existait pas alors pour certaines personnes ne faisant pas partie des « gueux »

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois