Donald Trump inéligible en 2024 ?

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Après une décision judiciaire historique rendue par la Cour suprême du Colorado, le 19 décembre dernier, un deuxième Etat vient de déclarer Donald Trump inéligible à la primaire républicaine.

Dans une décision de 34 page publiée jeudi dernier, la secrétaire d'État du Maine, Shenna Bellows, une démocrate, s’est, à son tour, fondée sur le 14e amendement de la Constitution américaine pour écarter l’ancien président, considérant que celui-ci n’était pas apte à se présenter en raison de sa participation, par le passé, à une « insurrection ».

« Les événements du 6 janvier 2021 étaient sans précédent et tragiques, écrit-elle. Ils constituèrent une attaque non seulement contre le Capitole et les représentants du gouvernement, mais aussi contre l'État de droit. Les preuves présentées démontrent qu'ils se sont produits sur ordre du président sortant, en toute connaissance et avec son soutien. »

Cacophonie juridique

Signe d’une joyeuse cacophonie juridique, la secrétaire d'État de Californie, la démocrate Shirley Weber, a pris, le même jour, la décision inverse en certifiant une liste de candidats républicains à la primaire incluant Donald Trump. « Je dois placer le caractère sacré de ces élections au-dessus de la politique partisane », a-t-elle écrit à ceux qui, dans son propre camp, lui demandaient d’explorer toutes les options légales pour écarter Trump.

Et contrairement à la plus haute juridiction du Colorado, qui s’est prononcée en faveur de l’inéligibilité, la Cour suprême du Michigan a considéré, fin décembre, que la loi de l'État ne donnait pas aux responsables électoraux la possibilité de contrôler l'éligibilité des candidats aux primaires présidentielles.

Des décisions contradictoires qui nécessiteront un arbitrage de la Cour suprême des États-Unis alors que des procédures similaires visant à empêcher Donald Trump de se présenter aux primaires sont en cours dans plus d’une douzaine d’États.

Des contestations engagées « sur la base d’une clause obscure d’un amendement constitutionnel adopté après la guerre civile », comme le reconnaît le New York Times. Le 14e amendement de la Constitution, adopté en 1868, contient un article qui disqualifie les anciens responsables gouvernementaux ayant trahi leur serment en s'engageant dans « une insurrection ou une rébellion ». L'article 3 de cet amendement avait pour objectif d’interdire aux fonctionnaires sudistes vaincus de servir dans le gouvernement fédéral.

La stratégie du 14e amendement

La piste de cette stratégie juridique pour écarter Trump de l’élection présidentielle de 2024 a été relancée l’été dernier à la suite de la publication d’un article rédigé par deux professeurs de droit. Les deux auteurs donnaient une interprétation de l’article 3 du 14e amendement permettant de considérer que l’ancien président était constitutionnellement disqualifié pour se présenter à nouveau « en raison de son rôle dans la tentative de renversement de l’élection de 2020 et des événements qui ont conduit à l’attaque du 6 janvier ».

Sur cette base, une multitude de procédures ont été engagées par les adversaires de Donald Trump afin de l’empêcher de participer à la primaire républicaine. Une stratégie qui repose, en réalité, sur un édifice juridique fragile et contestable, comme en témoignent les divergences d’opinion des juges de la Cour suprême du Colorado, la première juridiction à disqualifier Trump sur le fondement du 14e amendement. Trois juges sur sept ont exprimé leur désaccord en insistant, notamment, sur un point clé : Donald Trump n’a jamais été condamné pour « insurrection ».

Ni condamné ni même accusé. L’inculpation fédérale dont l’ancien président fait l’objet depuis l’été dernier est restée prudemment à l’écart des accusations d’incitation à l’insurrection. Comme le notait, à l’époque, le Wall Street Journal, ce qui frappait le plus, dans l’acte d’accusation, était surtout ce qui n’y figurait pas : au-delà de ses tweets et de ses déclarations publiques, aucun lien n’était établi entre Trump et les émeutiers.

On rappellera alors l’argument massue assené par les défenseurs de Joe Biden concernant les accusations de trafic d’influence en lien avec les affaires commerciales de son fils à l’étranger : où sont les « preuves directes » ? Peut-on prouver la participation directe de Trump à un quelconque plan de rébellion armée ?

Une stratégie dangereuse

Faute de réponse affirmative, on comprend mieux pourquoi les différentes procédures engagées contre l’ancien président ressemblent de plus en plus à un concours Lépine juridico-judiciaire. Évoquant la dernière innovation en date, le recours au 14e amendement, Carlos Samour, un des trois juges dissidents de la Cour suprême du Colorado, a parlé de « Frankenstein procédural ».

Considérant que dans cette affaire il n’y avait pas eu de procès équitable, il a également déclaré être « préoccupé par le chaos potentiel » provoqué par une décision qui permet à chaque État de se prononcer sur la disqualification d’un candidat.

Une inquiétude partagée par le Washington Post qui a l’honnêteté de reconnaître qu’écarter des primaires un candidat en l’absence d’une « véritable condamnation » est dangereux. En effet, s’alarme le journal, qu’est-ce qui pourrait empêcher, demain, « un politicien républicain de chercher à exclure son adversaire démocrate parce que celui-ci a participé aux manifestations Black Lives Matter, affirmant que ces manifestations, dont certaines réclamaient l'abolition de la police, relèvent de la qualification d'insurrection » ?

Les « Frankenstein juridiques » lancés à la poursuite de Donald Trump pourraient bien finir par se retourner contre leurs créateurs.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Ce que vous appelez cacophonie juridique, c’est un peu le propre d’un pays muni de pouvoirs et de contre-pouvoirs. Les différentes juridictions, les différents avocats, plaident chacun pour ce en quoi ils croient (ou sont payés), et, au bout « d’un certain temps », une décision sera prise. Ça me semble assez commun, non ?

  2. A. Jackson, A. Lincoln, JFK et Trump, les quatre présidents indépendants qui ont vraiment œuvré pour les États-Unis.

  3. Les démocrates qui meurent de peur à l’ idée que leurs crimes soient dévoilés ,feront tout pour que Trump n’ accède pas à la présidence !

  4. Très bonne analyse : il est certain qu’un effet boomerang est tt à fait plausible dans le cas présenté, et les Démocrates y auront tt à perdre !!!

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