Cliquez pour acheter

Michel Winock publie un ouvrage collectif rassemblant les plumes d’une trentaine d’historiens (Mona Ozouf, Jean Garrigues, Serge Bernstein...) sur l’histoire des gauches : Les Figures de proue de la gauche depuis 1789 (Perrin).

L’ouvrage nous propose une réflexion sur ce qui unit la gauche depuis la Révolution française à travers le portrait de 30 figures emblématiques de son histoire (personnages politiques, héros littéraires, activistes, intellectuels) : de Robespierre à Albert Camus, de Michelet à Arlette Laguiller, de Blanqui à Mitterrand. Chaque chapitre est signé par un grand nom du milieu universitaire. Michel Winock nous raconte le Victor Hugo politique « qui se distingue de la majorité des républicains en ce qu’il a gardé la foi en Dieu ». Jean Garrigues souligne l’ambivalence idéologique de Jules Ferry. Serge Bernstein nous offre un condensé d’histoire politique française avec Édouard Herriot, le défenseur de la République parlementaire. Mona Ozouf définit l’homme de gauche (avec le portrait de Condorcet) par son « mépris du passé [...] des particularités [...], comme celui [...] des promesses [...]. Un moderne qui ne craint pas l’innovation, mais la peur qu’on en a. Un radical enfin, qui fait de l’engagement politique une passion. »

La gauche est fille de révolution. Celle de 1789 l’a opposée à la droite par son positionnement dans l’hémicycle de l’Assemblée constituante. Le clivage se renforce en 1792. La vie politique française aura, à présent, deux camps : celui du roi contre celui de la nation, puis celui de la tradition contre celui du progrès. La révolution industrielle inspire de nouvelles idéologies, de nouveaux motifs de révoltes... et de révolutions. La gauche fait de la condition sociale un thème de campagne. Elle se fait socialiste. La révolution russe de 1917 s’insurge en référent et en symbole faisant s’affronter révolutionnaires et réformistes.

« La gauche est multiple, plurielle, contradictoire au point qu’il est difficile de parler de la gauche au singulier » (Michel Winock). Politiquement, les partis de gauche n’ont été véritablement rassemblés que durant le Front populaire (1936-1938) et sous Mitterrand. En lisant l’ouvrage, on est frappé par la diversité des idéologies et l’hétérogénéité des ambitions politiques. Quelle est, alors, l’idée fédératrice de la gauche ? Celle qui rapproche Victor Hugo de Simone de Beauvoir, Benjamin Constant de Michel Rocard ? L’idée du progrès. En découlent, en fonction des époques, le combat contre l’Église, la lutte pour l’égalité, etc. En bref, tout comme la droite veut « conserver », la gauche veut « progresser ». Or, l’une comme l’autre défendent des notions relatives qui, par définition, s’adaptent aux modes et aux tendances. « Les gens de gauche inventent de nouvelles idées. Quand elles sont usées, les gens de droite les adoptent » (Mark Twain). Et n’est-on pas gagnant lorsqu’on est précurseur ?

Le livre nous rappelle que la République est, dans son essence, un projet et une réalisation de la gauche. « Ces fondateurs sont “de gauche” en ce sens qu’ils adhèrent à l’idéologie du progrès, à tout le moins au principe de la perfectibilité humaine, ils croient en l’avenir de l’Homme - un homme devenu maître de lui-même, grâce à son émancipation des forces extérieures qui l’ont jusqu’ici aliéné : les monarchies et l’Église catholique » (Michel Winock).

Enfin, « le régime de la liberté n’a cessé d’étendre son rayon dans le cadre républicain : liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de réunion, liberté de presse, liberté syndicale » (Michel Winock). Reste à s’accorder sur son étendue, son application et ses limites. C’est pourquoi la gauche a prôné hier des idéologies qu’elle récuse aujourd’hui.

Rien de choquant à ce qu’elle abandonne alors les idées mêmes qui l’ont fondée : la défense des ouvriers et la laïcité.

2506 vues

02 février 2020 à 17:31

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.