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264 notices, 107 contributeurs de 12 nationalités différentes, 1.213 pages feront, assurément, de ce monumental ouvrage une des sommes incontournables sur cette question aussi délicate et polémique qu’est le populisme.

D’ailleurs, le substantif est accordé au pluriel « lorsqu’il se confronte à la réalité », observent les professeurs Olivier Dard, Christophe Boutin et Frédéric Rouvillois, brillant et énergique trio auquel l’on devait déjà, en 2017, un remarqué (et remarquable) Dictionnaire du conservatisme, chez le même éditeur. D’Abstention à Zola (Émile), en passant par Bonnets rouges, Chouanneries, Démagogie, Élitismes, Foules (psychologie des), Gilets jaunes, Hongrie, Illibéralisme, Jacqueries, Le Pen (Jean-Marie et Marine), Mondialisation, Nation (et peuple), Oligarchie, Podemos, Québec, Référendum (d’initiative citoyenne), Société civile, « Trumpulisme » ou Vox, c’est toute la nébuleuse populiste qu'il nous est offert de voir dans son infinie diversité, de l’Europe à l’Amérique latine.

Les coordonnateurs précités insistent, à raison, sur l’image dépréciative d’un phénomène politique dont on oublie trop facilement la racine du mot, « populus » signifiant peuple.

Son émergence sur la scène politique internationale est la résultante de deux légitimités qui s’affrontent : le peuple et leurs dirigeants. Bien plus, la légitimité du peuple, à la source première de celle des gouvernants élus, revendique à son profit un droit inédit à l’émancipation politique. Or, cette confrontation issue des urnes – sinon de la rue – marque un réel divorce du couple « électeurs-élus », archétype paradigmatique de la démocratie représentative moderne.

Le populisme au pluriel traduit l’hétérogénéité des expressions populaires à rebours de la doxa onusienne de l’universalisme des droits de l’homme et de la démocratie comme fin (à la fois terme et but) de l’Histoire. La stupéfaction – bientôt transformée en arrogance docte et relativiste –, lorsqu’un Trump, un Orbán ou un Salvini jaillirent des votes courroucés de leurs peuples respectifs, consommait la rupture entre le pays légal devenu illégitime et le pays réel qui replongeait dans l’oubli jusqu’aux prochaines échéances électorales.

Les flambées populistes en Pologne, au Royaume-Uni, au Danemark, en Hongrie, en Autriche, aux États-Unis, même en France où l’élection d’Emmanuel Macron symbolisa, certes au prix d’une cynique imposture médiatique et marketing, ce « dégagisme » symptomatique, illustraient de manière crue l’effondrement d’une idée reçue dont l’habitude fut rapidement prise de la considérer, sans discussion, comme un théorème non seulement indémontrable mais totémique : démocratie = représentation.

Le populisme apparaît alors comme ce paisible volcan longtemps en sommeil qui, se réveillant brutalement, déverse, incontinent, la lave du réel incandescent sur l’émolliente fiction contractualiste, héritée de Hobbes et Locke, en vertu de laquelle le peuple délègue sa souveraineté – donc sa liberté politique – aux gouvernants. Le peuple est ainsi encalminé dans la fonction purement procédurale de l’électeur ne gouvernant pas lui-même et qui, en aliénant cette prérogative entre des mains supposées plus expertes que lui, se place sous l’insupportable tutelle d’oligarques. Dans cette optique, le gouvernement des hommes est devenu un avatar saint-simonien du gouvernement des choses, la conception légale rationnelle de l’État de droit s’étant substituée, comme une fin en soi incontestable, à la légitimité incarnée du politique dans le peuple.

C’est dire que, pour prétendument « éclairées » qu’elles soient, nos « élites » ont tôt fait d’oublier que, des tyrannicides et autres monarchomaques jusqu’aux antiparlementarismes du XXe siècle, les révoltes populaires ont toujours eu le droit pour elles, celui que les révolutionnaires de 89 découvrirent en tant que droit naturel et sacré à la résistance à l’oppression.

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23 octobre 2019 à 9:17

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