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L'été : l'occasion pour beaucoup de se plonger enfin dans ce livre dévoré des yeux toute l'année sans pour autant avoir eu le temps de s'y plonger. À cette occasion, BV vous propose une sélection de ses meilleures recensions. Aujourd'hui, Immigration, idéologie et souci de la vérité. Forte de sa maîtrise du sujet, Michèle Tribalat a décidé de vérifier - et de démonter ! - le sérieux et la crédibilité scientifique… des fact-checkers en tout genre.

Michèle Tribalat, qui compte près de quarante années de recherche démographiques à l’INED, particulièrement sur l’immigration étrangère, est une intellectuelle précieuse.

À temps et à contretemps, par la publication d’ouvrages rigoureux, scientifiques, sourcés où fleurent à chaque page sa vivacité intellectuelle et son souci de méthode, elle a tenté de retenir l’étude de la démographie, qui fut en son temps un fleuron des sciences humaines françaises, sur la mauvaise pente de l’idéologie où elle semble s’être fourvoyée.

Son ouvrage, Immigration, idéologie et souci de la vérité, est savoureux. Forte de sa maîtrise du sujet, Michèle Tribalat a décidé, en quelques exemples, de vérifier - et de démonter ! - le sérieux et la crédibilité scientifique… des fact-checkers en tout genre. On vous laisse découvrir quels sont les médias qui ont sa préférence en la matière ! Avec finesse, elle pointe cette nouvelle tendance qui s’est installée dans le paysage académique, médiatique et pseudo-intellectuel français, celle du fact-checking. Elle décode les décodeurs, les prend en flagrant délit d’approximation, d’inculture technique et scientifique, de mauvaise foi parfois, d’idéologie toujours qui consiste à faire se conformer une « étude scientifique » à l’idée à laquelle on veut aboutir, particulièrement en matière de chiffres sur l’immigration en France. Elle dénonce avec virulence ce qui choque le plus l’honnêteté intellectuelle de cette vraie scientifique : « Comme le sociologue, le chercheur qui se dit démographe aujourd’hui s’engage lui aussi trop souvent à mettre en défaut "le sens commun" de l’homme ordinaire, de manière plus ou moins explicite. » Elle fustige ce surplomb de l'« expert » chargé d’honneurs qui impose sa vision des choses à l’homme ordinaire, l’accablant tout autant de son mépris que d’une science devenue approximative à mesure qu’elle devenait idéologisée. Une sorte de mise en abîme de l’argument d’autorité, repris à satiété par un monde médiatique et politique, qui n’y comprend rien mais pour qui « on peut discuter de tout sauf des chiffres ». Au passage, notons que ce phénomène s’est reproduit à l’identique, et sur tous les plateaux, lors de l’épidémie de Covid.

Elle développe et explique cette phrase de Jean-François Revel, « le mal le plus pernicieux est l’opinion déguisée en information », qu’elle applique à quelques lieux communs erronés mais qui ont la vie dure. Ainsi, François Héran, démographe, ancien directeur de l’INED, professeur au Collège de France en charge de la chaire Migrations et Sociétés, voit dans cet ouvrage ses méthodes de travail et de communication sévèrement analysées. Ce dernier, qui a pignon sur rue, à l’académie comme dans la presse, s’applique à minorer ou relativiser l’immigration étrangère et singulièrement extra-européenne par des méthodes floues, des calculs de coin de table, des erreurs grossières de méthodologie, des considérations morales, des attaques ad hominem. Alors, dénonce Tribalat, seuls comptent les références, les honneurs, l’aplomb sur le commun des mortels. La parole de l’expert vaut de l’or et ne mérite aucune discussion, aucun dialogue. La diversité, oui, mais surtout pas celle des opinions, encore moins des hypothèses de recherches. C’est ainsi que les travaux de Stephen Smith ont été dénigrés, considérés comme peu scientifiques. De même que les études du Pew Resaerch Center sur les projections de la population musulmane à l’horizon 2050 en Europe : les hypothèses, les sources, les dates, le travail en somme étaient plus rigoureux, mais dérangeants.  Et ce, alors que, rappelle-t-elle, « l’INSEE malgré l’avis favorable de la CNIL, refuse d’introduire, dans les enquêtes annuelles de recensement, les questions sur les pays et la nationalité de naissance des parents qui permettraient de dénombrer les populations d’origine étrangère sur deux générations et d’établir des séries annuelles ».

Querelles de chiffres, débats d’experts ?

C’est bien plus que cela, et c’est essentiel, car, comme elle l’explique en conclusion de cet ouvrage passionnant, « un débat démocratique sain repose sur la confiance. Comment les citoyens ordinaires pourraient-ils distinguer la vérité du mensonge si ceux dont c’est le métier de produire des informations rusent avec les faits qu’ils étudient dans le but de réformer l’opinion publique ? Comment espérer alors faire reculer les théories du complot ? »

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:16.

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07 juin 2020 à 13:07

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42 commentaires

  1. Les gens ont compris que si ils voient la pluie tomber en regardant par la fenêtre, il vaut mieux prendre un parapluie, même si la TV dit qu’il fait beau.
    Mais à force de constater les mensonges des journalistes, experts et politiques, certains ont fini par penser systématiquement l’inverse des communiqués officiel, comme par réflexe pavlovien.
    Ainsi naît le complotisme.
    Mais n’oublions jamais que le complotisme n’existerait pas si il n’y avait pas eu tant de complots.

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