L’idée révolutionnaire d’un député LREM pour lutter contre la délinquance…

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Il aura fallu 24 heures à un député LREM du Calvados pour qu'il se rende compte (et soit choqué !) que la police est dans l'incapacité de faire respecter l'interdiction d'occuper les halls et les parties communes des immeubles dans certains de nos quartiers. Et "d'accoucher" aussitôt d'une idée géniale : "contraventionnaliser" une infraction qui était jusque-là un délit. Quelle clairvoyance de la part de ce parlementaire qui a pris conscience, en quelques heures, d'une réalité qui existe depuis des décennies !

Tout le pragmatisme des tenants du pouvoir dans notre pays, se trouve ainsi résumé. Et, pour faire bonne mesure, cet élu s'est précipité au palais Bourbon afin de déposer un amendement dans le cadre de la prochaine loi portant projet de réforme de la Justice, qui devrait être examinée à partir du 19 novembre prochain dans l'Hémicycle. Comme de juste, cette mesure révolutionnaire pour la lutte contre la délinquance devrait être adoptée à l'unanimité par le groupe majoritaire à l'Assemblée. Cette disposition, censée permettre aux forces de l'ordre de mieux lutter contre l'insécurité dans nos cités est, bien entendu, une sombre imbécillité. Elle prouve, une fois de plus, que ceux qui sont aujourd'hui en charge de la sécurité en France n'ont toujours rien compris.

Notamment que ce ne sont pas les textes qui existent qui sont mauvais ou inadaptés, mais bien plutôt la façon dont ceux qui sont aux commandes décident de les mettre en œuvre. Ou, plus exactement, de ne pas les appliquer. Jusqu'à ce jour, l'occupation illicite des halls d'immeubles est passible d'une peine de prison de deux mois et d'une amende 3.750 euros. Et lorsque cet attroupement est accompagné de violences ou de menaces, cette sanction peut être portée à six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende. Cette infraction, qui est un délit, offre ainsi la possibilité aux forces de l'ordre d'intervenir dans le cadre du flagrant délit. Et, ainsi, de procéder à des interpellations et à des mises en garde à vue.

Cette procédure, utile dans le cadre de la lutte contre les bandes et les trafics en tous genres, est toutefois difficile à mettre en œuvre car elle suppose plusieurs choses. Tout d'abord, une volonté politique réelle d'affronter les délinquants dans les banlieues et, au cœur de ces banlieues, dans les quartiers. Ensuite, la mise en place de dispositifs d'intervention lourds et structurés. En effet, une seule patrouille de police, souvent constituée de deux ou trois gardiens de la paix, peut difficilement assumer seule cette mission.

Enfin, l'application par les juges des sanctions prévues, et c'est souvent là que le bât blesse. Quel juge va, aujourd'hui, envoyer en prison un individu du seul fait qu'il aura squatté une cage d'escalier ? Contraventionnaliser cette infraction, c'est-à-dire la rendre passible d'une seule amende de 300 euros, ne résoudra en rien ce vaste problème, souvent à l'origine de l'exaspération de nombreux de nos concitoyens. En premier lieu parce qu'avec une simple contravention, plus de coercition possible. Et notamment plus de mesure de garde à vue envisageable. En second lieu, quel policier prendra le risque d'aller au contact d'un groupe de trafiquants réfugiés dans un immeuble pour relever une simple contravention ? Enfin, la police prendra-t-elle le risque de mettre un quartier à feu et à sang pour 300 euros ? Bien évidemment non.

Cette nouvelle trouvaille d'un député En Marche ! est donc bien celle d'un élu complètement déconnecté des réalités. Sans doute croyait-il, après avoir passé quelques heures aux côtés de policiers de sa circonscription, qu'il allait découvrir à lui seul le remède magique pour endiguer le crime dans nos banlieues. À n'en pas douter, il aurait mieux valu pour tout le monde qu'il reste chez lui.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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