La lutte entre le glaive et le bouclier continue, ce n’est pas une surprise. Le glaive, c’est - entre autres - la désinformation volontaire et sournoise, celle qui veut délibérément tromper en véhiculant un message faussé, trafiqué, généralement – il faut vivre avec son temps - via une image ou une vidéo. La propagande ne se soucie pas de vérité, juste d’efficacité : le message a-t-il convaincu ?

Cela n’a rien à voir? bien sûr? avec les imitations : Laurent Gerra et Nicolas Canteloup brocardent, singeant la forme et ridiculisant le fond. Ils sont autant de Triboulet modernes, à l’impertinence bien balisée. De même, sur les réseaux sociaux, des comptes parodiques, en général discrètement identifiés comme tels, véhiculent un humour grinçant qui peut, parfois, frapper juste et fort dans la critique, en ridiculisant le parodié par des propos qu’il aurait presque pu tenir. Il peut arriver de se laisser prendre, de confondre l’original et sa parodie. Mais c’est le principe d’une nécessaire soupape qui empêche la pression de dépasser un certain seuil en traitant le mal par l’humour : le trait détestable est bien là, mais rions-en !

De la polémique sur les photos aériennes « bidouillées » de la Manif pour Tous du 24 mars 2013 qui aurait servi au vrai-faux comptage de la préfecture de police de Paris, retenons que ceux qui publient un cliché s’exposent à le voir analysé. Le falsificateur doit donc s’astreindre à rendre aussi indécelable que possible sa basse besogne.

Alors le glaive du faussaire se perfectionne : il use de moyens de plus en plus sophistiqués pour être de moins en moins repérable. Il y a, par exemple, ce que l’on nomme, en jargon anglo-globish, les deepfakes, (mal) traduit par « hypertrucages ». Il existe des outils logiciels qui permettent de remplacer un visage par un autre dans une vidéo, avec aussi la possibilité de modifier les expressions du visage. Les premières utilisations de ces logiciels visaient à créer de fausses vidéos pornographiques en usant du visage de célébrités. Un des risques est, bien sûr, de travestir le langage d’un homme politique tout en rendant la vidéo qui en « témoignerait » crédible. Imaginez une vidéo datant de fin 2016 où Emmanuel Macron avouerait à ses commanditaires les vieux toxiques Minc, Attali et autres Cohn-Bendit ainsi qu’aux oligarques qu’il accepte sa mission d’enrichir les très riches au détriment de l’appauvrissement de tous ceux qui ne le sont pas !

Alors, les parlementaires des États-Unis s’émeuvent : et si les élections étaient manipulées par la production et la diffusion de ces hypertrucages ? Dans une bonne logique libérale d’effacement de l’État, ils veulent que les diffuseurs – principalement les réseaux sociaux - deviennent les responsables d’une sorte de certification a priori des contenus qu’ils diffusent. C’est en quelque sorte une privatisation d’un ministère de la Vérité cauchemardé par George Orwell...

La lutte entre les glaives-logiciels qui permettent la réalisation d'hypertrucages de plus en plus parfaits et les boucliers-logiciels qui séparent le bon grain de l’ivraie est une bagarre technologique qui n’est pas près de se terminer. Malheureusement, face à une information, quelle que soit sa forme, la confiance a priori n’est plus de mise et il faut que chacun conserve un zeste de paranoïa : c’est un bouclier inusable et ne dépendant pas d’une technologie qui deviendra obsolète, indispensable aujourd’hui et demain. Sauf quand vous lisez Boulevard Voltaire !

Un constat, cependant : nul n’a prétendu que les vidéos prises place de la Contrescarpe, le 1er mai 2018, étaient le résultat d’un hypertrucage. Pas encore, en tout cas, mais qui sait ?

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04 août 2019 à 10:00

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