Les scandales de corruption pourraient faire basculer l’Espagne à droite

Ils étaient plus de 100.000 à battre le pavé, place d’Espagne à Madrid, le 8 juin. À l’appel du Parti populaire (PP, un peu l’équivalent de LR en France), les manifestants ont répondu à un mot d’ordre explicite, « Mafia ou Démocratie », en scandant des « Pedro Sánchez démissionne ! » à l’adresse du chef du gouvernement et patron des socialistes espagnols du PSOE. Si l’entourage de ce dernier a tenté de minimiser l’événement en avançant un chiffre de seulement 45.000 manifestants, cette mobilisation massive témoigne de la situation pour le moins délicate dans laquelle se trouve Pedro Sánchez, dont l’entourage proche est empêtré dans plusieurs scandales.
La famille Sánchez devant les tribunaux
Le 24 avril, le président du gouvernement disait déjà réfléchir à une possible démission après l’annonce de l’ouverture d’une enquête contre son épouse, Begoña Gomez, pour trafic d’influence et corruption. Une plainte la visant pour « appropriation illicite d’un logiciel créé pour l’université dans laquelle elle travaillait » et « exercice illégal d’une profession » a en effet été jugée recevable par le tribunal supérieur de justice de Madrid.
Le 22 mai, on apprenait que David Sánchez, frère cadet du Premier ministre, serait jugé pour « trafic d’influence » et « prévarication administrative ». Il lui est reproché d’avoir bénéficié de faveurs pour se faire embaucher comme responsable culturel de la province de Badajoz, dans la région d’Estrémadure que dirige la gauche.
La garde rapprochée mouillée à son tour
Mais le dernier scandale en date, qui a provoqué la manifestation du 8 juin, concerne entre autres le député Santos Cerdán, numéro trois du PSOE. À la demande de Pedro Sánchez, ce dernier a dû présenter sa démission après la révélation de sa mise en cause dans une affaire de corruption à grande échelle dans laquelle serait aussi impliqué l’ancien bras droit du Premier ministre, José Luis Ábalos. Le 12 juin, on apprenait par un juge de la Cour suprême d’Espagne qu’un rapport de police avait révélé « l'existence d'indices concordants concernant la possible participation » de Santos Cerdan « dans l'attribution indue d'un contrat public », contrat pour lequel il aurait touché de l’argent. RFI, qui a rapporté l’information, ajoute que ce juge le « soupçonne de complicité avec l'ex-ministre José Luis Abalos, déjà soupçonné dans cette même affaire d'avoir reçu des commissions illégales de la part d'un chef d'entreprise espagnol dans le cadre de contrats d'achat de matériel sanitaire durant la crise du Covid-19 ».
Le PSOE noyé dans la corruption
Contacté par BV, le journaliste espagnol José Maria Ballester précise que la « commission » qu’aurait touchée Santos Cerdan « se monterait à 620.000 euros ». Mais « Il y en aurait plusieurs pour cette somme et même plus ». Au-delà du montant total qu’auraient touché les bénéficiaires, il faut tenir compte du fait que « les personnes impliquées dans cette affaire sont celles qui avaient aidé Monsieur Sánchez à reconquérir le Parti socialiste en 2017, après avoir été renversé en 2016 car suspecté de fraude ». Ces personnes, « Pedro Sánchez les a remerciées en retour en leur offrant des postes », précise José Maria Ballester, pour qui « c’est donc la garde rapprochée du Premier ministre qui est tout entière impliquée ». Et depuis plusieurs jours, la presse se pose des questions sur de nombreux aspects de cette affaire. Il est par exemple permis de s’interroger sur le fait que « Santos Cerdán, qui a démissionné le 12 juin, n’a notifié son renoncement au siège de député que le 16. Qu'a-t-il fait de son week-end ? Aurait-il détruit des preuves ? » Et que dire des raisons qui poussent José Luis Ábalos, « expulsé du PSOE et qui ne fait plus partie du groupe socialiste au Congrès des députés, à faire fuiter des informations dans la presse », se demande le journaliste espagnol. « Comment ne pas penser qu'il est en train de régler ses comptes avec Pedro Sánchez après avoir été son principal collaborateur. C'est un peu comme si Gabriel Attal commençait à sortir des infos sur Emmanuel Macron… »
Se dirige-t-on vers la chute du président du gouvernement socialiste ? « Pedro Sánchez dit qu'il ne va pas convoquer d'élections, qu'il va tenir le coup », constate José Maria Ballester. « Mais c'est ce qu'on dit souvent lorsque les scandales commencent. Dix jours avant la fin du Watergate, Nixon ne voulait toujours pas démissionner… »
Que se passerait-il, en cas d’élections anticipées ? « Sociologiquement, l'Espagne continue à pencher à gauche », note le journaliste, « mais il arrive parfois que la majorité politique ne soit pas en adéquation avec la majorité sociologique ». Pas impossible, alors, que Pedro Sánchez puisse entraîner tout son clan dans sa chute et faire basculer à droite une Espagne dégoûtée par les scandales.

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22 commentaires
Pourvu que ça arrive et que la France suive.
Depuis le temps que ce gouvernement aurait dû tomber.
» Ces personnes, « Pedro Sánchez les a remerciées en retour en leur offrant des postes ». La mafia au pouvoir. On connaît, chez nous aussi.