Les Guyanais ne veulent pas se vacciner, alors on pique les fumeurs de crack et les migrants !

Je ne sais pas quand on sortira de cette crise sanitaire, ni même si l’on en sortira, mais une chose est certaine : on aura fabriqué des fous en nombre. Des gens qui pètent les plombs ou exploseront demain, des fragiles que l’absurdité du temps aura plongés dans la dépression profonde.

Incidemment, j’ai appris, hier, que les enfants de Washington reprenaient seulement l’école, à un mois de la fermeture pour les congés d’été, et uniquement deux matinées par semaine. Après dix-neuf mois de fermeture, et cela, bien que tous les enfants à partir de 12 ans soient vaccinés (Pfizer). Les syndicats d’enseignants estiment leurs troupes « en danger » et réclamaient « une possible réouverture en septembre ». On me dit (et je le crois) que c’est une hécatombe chez les adolescents devenus suicidaires ou violents…

Qu’importe, des deux côtés de l’Atlantique, on continue à feindre de croire que la vaccination va tout régler. Rien n’est moins sûr, d’autant que les récalcitrants sont toujours nombreux. Certes, comme pour tout ce qui dérange, on nous explique que c’est le fait de crétins mal éduqués, d’esprits obscurantistes et d’ignorants complotistes, mais le fait est là.

Ainsi lit-on, le vendredi 21 mai, dans Libération, un papier sur notre joli département d’Amérique du Sud, la Guyane. Son titre : « Covid-19 : en Guyane, "on jette des doses de vaccin par les fenêtres". »

« Jeunesse de la population, défiance à l’égard des autorités sanitaires, préférence pour des soins traditionnels, rumeurs… Seuls 49 % des Guyanais sont favorables à la vaccination. En Guyane, les habitants d'origine brésilienne sont plus enclins à se faire vacciner que les Créoles », nous dit-on. Et pourtant, on ne lésine pas sur les moyens pour attirer le chaland : on « récompense » (sic) les néo-vaccinés avec des masques et des paquets de préservatifs, mais rien n’y fait. Même par le bon d’achat de 5 euros au supermarché du coin. Le pharmacien de la Croix-Rouge qui gère les stocks se désespère : « Il y a tellement peu de demandes qu’on jette les doses par les fenêtres. Depuis le début de la campagne de vaccination dans les quartiers informels [constitués de constructions illicites, ndlr], le 3 mai, nous avons jeté 12 flacons, soit près de 84 doses. »

Alors la Croix-Rouge traque les candidats par les rues : « Pour éviter ce gaspillage, les agents de la Croix-Rouge errent chaque soir dans la ville en quête de bras à piquer, et écoulent leurs vaccins auprès des consommateurs de crack du centre-ville ou les demandeurs d’asile. » Faut pas gâcher.

« Les Guyanais sont nettement plus rétifs à l’égard du vaccin qu’en métropole », déplore le Dr Flamand, épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Guyane. En cause, dit-il, la jeunesse de la population guyanaise (50 % a moins de 25 ans) et les doutes quant à l’efficacité du vaccin (77,3 %) ; et puis on préfère la médecine locale, naturelle celle-là. À cela s’ajoute le fait que « les croyances vaudoues jouent également beaucoup », dit une Haïtienne. « Ici, beaucoup de Créoles pensent que les esprits les protègent du Covid. » Je le sais bien, ça fait ricaner les sachants, mais pourquoi la foi n’aurait-elle pas un effet bénéfique ?

La directrice locale de l’ARS est catégorique : « Si les Guyanais refusent de se faire vacciner, c’est leur droit. Mais la faible couverture vaccinale implique un choix entre deux modes de lutte contre le Covid : la restriction de nos mouvements ou la vaccination. Si les gens ne se vaccinent pas, ce sera la restriction. »

En français de métropole, on appelle ça du chantage.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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