Les César vus par Le Monde : quel drame, on ne s’est occupé que du cinéma !
Il n'est pas trop tard pour écrire sur la cérémonie des César, le 22 février.
Parce que, d'abord, et pour une fois, je l'ai trouvée absolument réussie.
Mais surtout à cause d'une critique qui a poussé jusqu'à la caricature une certaine conception de l'art, une vision du monde du cinéma et de l'engagement politique (Le Monde). Tout ce qui était exemplaire au cours de cette soirée a été moqué : une perversion du jugement.
Kad Mérad aurait été "sans fantaisie ni humour". Il est qualifié de "triste sire" pour dégrader son étincelante ouverture en roi, genre Freddy Mercury. Je l'ai trouvé, au contraire, excellent, dans un registre qui nous changeait de beaucoup de prestations narcissiques, elles sans véritable drôlerie.
"Les remerciements se sont succédé sans surprises ni prises de parole politiques de la part des intervenants." Heureusement !
On comprend bien ce qui a dû décevoir la journaliste Véronique Cauhapé. Le ministre de la Culture présent n'a pas été insulté ni interpellé grossièrement. Les lauréats, réalisateurs, acteurs, actrices, premier ou second rôle, décorateurs, créateurs de costumes, techniciens ont remercié avec émotion et finesse sans être trop longs, ce qui est souvent le péché mignon et excusable de ceux qui n'en reviennent pas d'avoir été distingués ! S'il y avait forcément des redites, elles n'étaient pas insupportables.
Léa Drucker, ayant remporté le César de la meilleure actrice, a abordé le problème des violences faites aux femmes avec la manière qui convenait : sans pathos ni mise en accusation mélodramatique. Une grande classe.
Certes, nous avons été privés des diatribes habituelles et des engagements confortables - le somptuaire et les privilégiés se penchant sur la France d'en bas ! - pour le plus grand bonheur des spectateurs : aucun ne s'est indigné face à cette neutralité. Et des téléspectateurs : pour une fois, on ne cherchait pas à les embrigader !
L'hommage rendu au formidable Robert Redford a été plausible, mérité et délicat. Kristin Scott Thomas n'a pas manqué cet exercice qui, s'il est outrancier ou prématuré (comme pour Scarlett Johansson), crée plus de dissentiment que de consensus.
Diane Kruger a évoqué son ami disparu Karl Lagerfeld avec une simplicité et une sincérité qui touchaient d'autant plus qu'elles ne visaient qu'à rappeler un lien unique et affectueux avec un être d'exception.
Alors, "contrite et vieillotte, dépourvue de rythme, de drôlerie et d'irrévérence, cette cérémonie" ?
Bien que sûr que non. Mais "l'irrévérence" aurait manqué, il aurait fallu de l'irrespect, des polémiques, de l'impolitesse, moins de tenue, des dénonciations. On ne s'est pas exprimé sur les sans-papiers, contre Marine Le Pen, contre Trump, le populisme hongrois ou polonais, pour ou contre les gilets jaunes, on n'a pas craché sur le catholicisme... Quel drame, on ne s'est occupé que du cinéma !
Je conçois que le progressisme d'aujourd'hui ait été désorienté face à une soirée qui a échappé à tous les poncifs de la gauche politique, culturelle et médiatique !
Cet article si condescendant et dédaigneux a oublié l'essentiel : la qualité des films en compétition.
J'aurais souhaité que Le Grand Bain, où Gilles Lellouche révèle un talent rare de réalisateur et de dialoguiste, ait eu davantage que le César de Philippe Katerine !
Mais ce regret n'altère en rien mon bonheur télévisuel : enfin des César réussis !
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