Le tribunal a tranché : on peut appeler son fils Johnny mais pas Artús

marteau justice

La maternité de Mende, en Lozère, a vu naître, le 15 décembre 2022, un petit garçon en parfaite santé. Ils ont décidé de l'appeler Artus, mais avec un accent : Artús, a même écrit le père en ajoutant l'accent aigu, typique du parler occitan, sur le petit bracelet du nourrisson. Son grand frère s'appelle Amanç. Il porte, lui aussi, un prénom occitan. Lorsque le père est allé déclarer la naissance de son fils, on lui a refusé cette écriture régionale. Très attaché à la langue de son pays, le père a saisi le tribunal. Ce dernier vient de trancher et c'est Le Figaro qui nous le rapporte : il est interdit d'utiliser ces orthographes régionales, et même certains prénoms régionaux, sur les documents officiels. On se souvient du petit Fañch, bébé breton dont les parents avaient dû se battre : le tribunal leur a donné raison, mais à titre non jurisprudentiel. En effet, un autre petit Fañch s'est vu refuser, il y a peu, le port de son tilde par le tribunal de Rennes.

Que dire de ces décisions surprenantes ? Dépité, mais non sans humour, le père d'Artús concluait sobrement : « On peut appeler son fils Johnny, mais pas Artús »... En d'autres termes, pour l'État jacobin, pourfendeur de particularismes depuis 1789, les parents peuvent se laisser dévorer par les modes successives mais pas faire retour à leurs racines. Et, à voir les listes des rentrées scolaires ou les annuaires, il y en a eu, des modes : les prénoms américains, donnés par la France périphérique des années 80 (Kevin, Johnny, Kimberley...) ; les prénoms des années 2000, sans distinction de milieu, qui, plus que des êtres humains, évoquent des véhicules électriques, des déodorants ou des serviettes hygiéniques (Noah, Léo, Louna, Mathis, Enzo, Luka) ; et, bien sûr, les prénoms issus de la diversité bienheureuse, dont on peine à trouver le souvenir dans le calendrier grégorien (Mohamed, Ilyes ou Hapsatou). Ce ne sont que les suites logiques des autres modes, qui remontent loin (les prénoms composés pour homme des années 60 et 70, les Colette et Suzanne des années 30 et 40... et même jusqu'à La Bruyère, dont les Caractères moquent les grandes familles nobles qui appellent leurs fils Tancrède ou Roger parce que ce sont des prénoms de chevaliers).

À bien y regarder, ces phénomènes historiques et cette volonté de se singulariser sont profondément humains, et même plutôt sympathiques. On appartient à une famille, à une terre, à une province et à une époque. C'est comme ça et, à mon humble avis, on a raison d'en être fier. Chez les paysans comme chez les seigneurs, on portait le même prénom de père en fils, fût-il assez peu commun (Victurnien chez les Rochechouart ou Elzéar chez les Sabran). Les modes passagères ou la continuité générationnelle sont deux manières de sortir du lot, mais l'une est plus sympathique que l'autre. Malheureusement, le tribunal préfère les prénoms dictés par l'époque ou le changement de population aux prénoms régionalistes.

Éric Zemmour avait proposé la stricte application du Code civil, avec l'attribution exclusive de prénoms figurant dans le calendrier. Il faudrait peut-être y ajouter un peu de souplesse « décentralisée » sur les prénoms régionaux. La France est un agglomérat. Cela permettrait aussi de définir ce que nous sommes, et donc ce que nous ne sommes pas. L'excuse du clavier ou des signes diacritiques de l'alphabet romain semble un peu dérisoire par rapport à cet enjeu.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/01/2023 à 7:15.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Merci c’est intéressant ; une petite remarque et réserve à la fois sur votre analyse ; il ne s’agit pas de clavier, ou de signes, mais le tilde et le u accentué de cette manière (à gauche) n’existent pas en français courant ou académique.
    Il me semble (mais peut-être me trompé-je…) que le père aurait pu accepter Artus (sans tilde espagnol ou occitan…) : c’est beaucoup mieux que Johnny ou Mike ou Steven (plus anglais toutefois). Art c’est l’ours en allemand…et ça devient plus « germanique » il est vrai.
    Je pense qu’un prénom régional « un poil » francisé serait un « compromis » acceptable : comment écrire ou prononcer un « tilde » ? Vous le savez, moi pas…L’état-civil, encore moins (il faut beaucoup chercher). Fanch ou Artus sans tildes, « sonnent » qd même « régional », non ?
    Le régionalisme pourquoi pas qd ce n’est pas ridicule, mais avec qques limites simples, cela pourrait être une position assez équilibrée. Ensuite, pourquoi pas des prénoms tels Banane, Pitchounette, Dolorosa, Ségur, etc etc : la liste ets sans fin.
    Quelles limites appliquer ? Un socle français, européen usuel et régional « entendable », et pas de variétés étrangères trop marquées (type Cindy, Johnny,…) directement issues des séries américaines TV, pourraient se concevoir (le calendrier élargi en somme). Vous appréciez.
    À voir donc, mais comment prononcer un tilde ? Voire l’écrire…

  2. Il y a bien une ancienne ministre qui a appelé un(e) de ses gosses, térébenthine ! Plutôt un bon début dans la vie, il aurait pu s’appeler harpic !

  3. En tout une chose est claire. Si on refuse un prénom régional, on doit refuser davantage les prénoms étranger, surtout qui ne sont pas de notre culture

  4. Est ce que les parents pensent parfois aux sobriquets et aux moqueries que supporteront leurs enfants à l’école d’abord puis toute leur vie lorsqu’ils seront affublés d’un prénom inconnu et imprononçable ? Ils n’ont qu’à les appeler comme ils veulent en privé mais les déclarer avec des prénoms normaux ..et Français ..

    • Beaucoup de parents sont incapables de penser si loin, leur gosse n’est qu’une question de prestige personnel comme une nouvelle bagnole, un écran plat plus grand, des vacances plus exotiques…

  5. On peut lire sur google que plusieurs personnes portent le prénom d’Artus en France . Pourquoi ce tribunal refuse-t-il ce prénom alors ?
    Donc ce que refuse le tribunal de Mende , peut très bien être accordé dans un autre tribunal de France ! Mais peut être que ce juge de Mende juge davantage d’après son idéologie que d’après son âme et conscience, et qu’il aurait très certainement accepté le prénom de Johnny, mais certainement celui de Mohamed ou Karim !!!

  6. Aujourd’hui, les parents choisissent le prénom de leurs enfants suivant les mêmes critères qui président au choix du nom d’un animal de compagnie. L’essentiel est que ce soit original et que çà sonne bien. Je ne désespère pas qu’avec les anti-spécistes, on se retrouve bientôt avec des Médor ou des Taïaut… et çà passera à l’état civil sans problème !

  7. Le but ne serait-il pas de s’écarter le plus possible du calendrier parce que les noms qu’on y trouve (large choix!) sont d’origine chrétienne ? Plus généralement depuis l’Edit de Villers-Côteret l’unicité de la langue fût un ferment de cohésion ce qui n’a pas empêché certains idiomes et tournures anciennes de perdurer pour que fleurisse la littérature.

  8. Donc pourquoi accepter, Moussa, Mohamed,..etc,etc. Là c’est accepté. C’est de la discrimination, c’est inadmissible, juges et justice sont formatés par nos dirigeants. Deux poids, deux mesures. Suivant que vous serez riche ou pauvre……les jugements de cours seront différents. Voilà notre démocratie.

  9. Le roi Artus ! La  »matière de Bretagne » ! Sans doute que ce juge était inculte ? Pourtant dans la Grande Occitanie (au sens culturel) nous n’avons pourtat pas de problèmes avec les : Guilhem, Magali, Manon, Nerte, Maguelone etc.

  10. Cette affaire est assez choquante et une atteinte à notre « francitude ». Rien n’empêchera les parents, officieusement, de nommer leur fils Artús.

  11. Bonjour, il est bien évident que l’acception de tel ou tel prénoms à l’enregistrement de l’état civil tiens pour une bonne part au bon vouloir de tel ou tel pseudo fonctionnaire ou maire dans la pure lignée du jacobinisme, mais ces mêmes personnes n’oseraient en aucun cas refuser à une population issue de la grande diversité d’inscrire les prénoms de leur choix, cela est juste inconcevable, sinon scandales dans les médias de cette république des mécréants.

  12. Pourquoi s’obstine-t-on à essayer, d’une manière ou d’une autre, d’entraver la marche triomphante de la mondialisation pro-ricaine ? C’est fou, ça !

  13. Ce qu’et que la suite logique de nos élus pour détruire tout ce qui fait parti de notre culture , de nos valeurs et de nos coutumes .

      • Oui, dites ! On a vu tellement de fantaisies ( peut-être lourdes à porter) depuis les années de la mode  » Emmanuelle » ! Dans les premiers novateurs, je pense, mes petits-neveux ont été baptisés « Léonard » et  » César », dans les années 80-81 ; j’ai un peu sauté au plafond, mais bon, la maman avait fait les  » bozards » avec stage d’élevage de chèvres en Ardèche…Sont arrivés les Noémie et Tatiana, les Cloé et Marcus, l’officialisation des prénoms basques, et d’autres trucs improbables et non mémorisables à bas de syllabes latines, grecques ou autres,( passe sur les prénoms américains tirés de films du télécran- envoûtement par les jeunes bêtasses complexées en mal de carrières cinématographiques ou de starlettes pour leur pauvre progéniture défavorisée…) Je me suis fait une raison…jusqu’au retour des Paul, Emile, Arthur et autres Arsène de la fin du 19ième siècle, prénoms de mes arrière et arrière -grands-parents bien légalement issus du calendrier ( plus de 365 noms possibles…).J’ai même connu une  » fêtnat » au fin fond du Congo t de ses affluents dans les années 60…

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