Le Roi Lear au volant ?

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Un conducteur de 87 ans roulant à contresens sur l’autoroute A11 a causé deux accidents où deux personnes ont trouvé la mort. Qu’elles reposent en paix. Comment ne pas penser à ce dialogue entre le roi Lear et son fou à la fin de l’acte I de la tragédie éponyme de William Shakespeare ?

Le fou.
Si tu étais mon fou, noncle, je t’aurais fait battre pour être devenu vieux avant le temps.

Lear.
Comment cela ?

Le fou.
Tu n’aurais pas dû être vieux avant d’être sage.

Ce que vous allez lire vaudra peut-être un procès en gérontophobie à l’auteur de ces lignes, mais ces deux décès auraient dû être évités. Certes, dès qu’en France on envisage des restrictions même infimes au droit quasi divin de rouler dans sa bagnole, les anathèmes pleuvent pour fustiger ces tentations liberticides.

En France, le « bisounoursisme » statistique sévit : vous ne trouverez pas, même en page 2 d’une recherche Google, des statistiques officielles sur les accidents et leur gravité, analysés par tranche d’âge du responsable. À l’étranger, on n’a pas ces pudeurs. En février 1993, une étude de deux chercheurs de l’université du Michigan indique que, par distance parcourue, les plus de 75 ans ont 3,8 fois plus de risque de causer un accident fatal que la moyenne. Ce facteur n’est que de 3 pour la tranche 16-19 ans. Plus récemment, l’analyse des accidents de la période 2014-2015 pour l’American Automobile Association montre qu’au-delà de 70 ans, les taux d’accidents par distance parcourue remontent, significativement pour les accidents avec ou sans blessés, considérablement pour les accidents fatals.

Que l’on vive globalement de mieux en mieux de plus en plus longtemps est une bonne chose, mais il faudrait tout de même ne pas perdre de vue un détail : le vieillissement s’accompagne d’une diminution des capacités. C’est un fait qui révolte les transhumanistes, mais tant qu’ils n’auront pas trouvé et imposé des solutions à cela, acceptons l’aspect inéluctable et aléatoire de la chose.

La route est un bien commun où ne devraient circuler que des personnes capables d’assez de maîtrise pour n’être dangereuses ni pour les autres usagers ni pour elle-mêmes. Il serait temps d’obliger les personnes dépassant un certain âge à subir une visite médicale périodique destinée à évaluer leur aptitude à conduire malgré les effets des ans. Cette visite devrait, bien sûr, être réalisée par un médecin qui ne soit pas le généraliste traitant. Il faudrait que, sans l’issue favorable d’un tel examen, la suspension du permis soit automatique et les assurances informées.

Puisque nous en sommes à parler de sécurité au volant, pourquoi se retenir d’évoquer l’alcool et les stupéfiants ? Quand sera enfin mise en place une politique vraiment répressive qui dissuade efficacement toute conduite sous emprise ? Le bâton de 6 mois de suspension effective ne frappe pas assez fort, ne fait pas assez mal : on dissuade avec une bombe nucléaire, pas avec un cure-dent ou une lime à ongle !

Qu’il soit permis de prendre un peu la défense d’Édouard Philippe et de sa mesure de réduction à 80 km/h de la vitesse sur route, qui a fait couler tant d’encre et de pixels. La méthode était inepte, l’argumentaire fallacieux, mais l’intention était bonne. Il eût été beaucoup plus intelligent de confier aux préfets le soin d’évaluer les portions de routes présentant de façon objective une dangerosité très supérieure à la moyenne, d’y réduire la vitesse maximale et d’y coller des contrôles radar fixes ou mobiles. Parce que oui, tant que la formule de calcul de l’énergie cinétique sera de la moitié de la masse multipliée par le carré de la vitesse, réduire la vitesse d’un choc réduira significativement les dégâts qu’il causera.

Quand j’étais enfant, il y avait environ plus de 10.000 morts par an sur la route en France. Aujourd’hui, c’est le tiers de ce chiffre. Ceux qui n’avancent comme explication que la réduction de la vitesse se trompent. L’amélioration des véhicules (déformation, freinage, tenue de route, contrôle technique) et celle des routes y concourent aussi. Mais 3.500, c’est toujours trop, alors un peu de courage et bonne route !

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