[La semaine média] « C ce soir » : la France sur le banc des accusés

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Lundi 23 octobre dernier, la télévision diffusait un procès. Celui de la France. L’audience se tient dans le studio boisé de C ce soir, la fameuse émission de France 5, présentée par Karim Rissouli. Alors que le thème du jour (Israël-Palestine : la France condamnée à la division ?) promet des débats sur l’importation de l’éternel conflit et la montée des violences entre juifs et musulmans dans l’Hexagone, le talk show déraille rapidement et prend une tout autre tournure.

Il faut dire que les témoins appelés à la barre en ont gros sur le cœur et n’entendent pas se voir imposer un quelconque conducteur. Sur le banc des plaignants, on trouve Jean-Pierre Mignard, ancien membre du PS et électeur assumé de Jean-Luc Mélenchon ; Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et auteure du livre Une Arabe en France ; Eléonore Weil, journaliste au quotidien d'obédience socialiste Haaretz ou encore Arié Alimi, militant d’extrême gauche et avocat connu pour avoir défendu l’agitateur Taha Bouhafs dans plusieurs affaires.

Du côté de la défense se tient l’écrivain Michaël Prazan, qui signe régulièrement des papiers dans l'hebdomadaire centriste Franc-Tireur. La journaliste et écrivain Laure Adler fait office de greffière, se contentant d’opiner du chef ou d’ânonner des bribes de phrases sous le regard gêné de l’assistance. Au poste de procureur, Karim Rissouli donne le ton de la soirée en évoquant dès l’ouverture des débats « la malchance d’être arabe, juif ou musulman » en France. Le décor est planté.

Faites entrer l’accusée

Jean-Pierre Mignard est le premier à venir témoigner. D’une voix solennelle, le vieux sage tient d’abord à rappeler le lourd casier judiciaire de l’accusée : « L’histoire de la France vis-à-vis des juifs (est) une longue histoire antisémite. (…) Et puis, l’histoire de la colonisation... ». Murmures d’approbation générale dans l’assemblée. Appelées à tour de rôle à la barre, les autres parties civiles condamnent d’une même voix la mise en cause.

« Moi, je suis venue ici pour parler du vécu des Noirs et des Arabes », tonne Fatma Bouvet de la Maisonneuve, sous-entendant qu’il est inutile de la lancer sur un autre sujet. Et de fait, lorsque Karim Rissouli l’interroge timidement sur le pogrom antisémite commis par le Hamas le 7 octobre, la psychiatre répond : « Ecoutez, moi, mes patients me disent "on est fatigués d’être maghrébins en France". Parce qu’il faudrait toujours rendre des comptes, parce que tout serait de leur responsabilité. (…) Leurs parents sont venus pour reconstruire la France après la guerre. Nous l’avons vu pendant la crise du Covid : qui était dans les hôpitaux pour sauver la République française ? Pourquoi on leur demande sans cesse de se justifier ? Les Maghrébins sont les moins communautarisés de France et ce sont toujours eux qui sont stigmatisés. » Une « évidence » pour Jean-Pierre Mignard invité par le procureur Rissouli à remettre une pièce dans la machine : « On a toujours demandé plus aux musulmans, assène-t-il. C’est un problème de la France qui a été marâtre et peu accueillante ».

Un procès à charge

Mais c’est sans surprise Arié Alimi, « penseur de gauche » autoproclamé, qui plante le dernier clou sur le cercueil de la nation « marâtre ». Rebondissant sur une nouvelle tirade larmoyante de Fatma sur les discriminations permanentes dont « les Noirs et les Arabes » seraient victimes en France, l’avocat explique que l’islamisme est le fruit de l’islamophobie ambiante. « Il y a un regard stigmatisant sur la communauté musulmane. Il faut dire aujourd’hui que c’est ce regard qui peut créer de la radicalité ».

Interrogé enfin par Michaël Prazan sur le départ des juifs qui vivaient dans les quartiers, Arié Alimi charge une nouvelle fois la France, grande responsable à ses yeux de l’antisémitisme au sein des populations immigrées. « On les a parquées là-bas. On a créé une ségrégation (…) Quand on laisse pourrir des populations pendant 70 ans, évidemment qu’il y a de la délinquance qui se crée ! ». Fin du procès. Condamnation unanime de l’accusée. En début d’émission, Karim Rissouli a critiqué « la qualité médiocre du débat ». On ne peut que lui donner raison sur ce point.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 30/10/2023 à 15:55.
Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

Un commentaire

  1. « C ce soir », « C » sans aucun doute ce que la télévision française fait de mieux de son point de vue, mais de pire pour les français.
    Quand prend le temps de s’arrêter sur les taux d’audience des chaînes de TV françaises, et de leurs émissions en général et même en particulier, il n’y a vraiment pas de quoi hurler « venez voir » !
    La majorité des français a mieux à faire que de perdre son temps avec ça.

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