Il faudrait être bien naïf pour croire qu’un changement de locataire à la Maison-Blanche puisse changer quoi que ce soit à la couleur des orientations géostratégiques de Washington. À propos de « couleur », il y eut l’aveuglement des gens de gauche estimant que Barack Obama allait mener une politique de gauche parce qu’à moitié noir, ou ceux de droite, espérant que Donald Trump camperait sur une autre ligne, parce que blanc de l’espèce vaguement réactionnaire. Au-delà des apparences, un fait demeure : les nations poursuivent “toujours” les mêmes objectifs historiques, la coloration politique de leurs gouvernants n’étant finalement qu’anecdotiques. En France, ce fut vrai pour nos rois, nos empereurs et mêmes certains de nos monarques républicains. Idem pour la Chine et la Russie, malgré leurs parenthèses mao-staliniennes.

Aujourd’hui, la sphère médiatique officielle, pas toujours au fait de ces lignes de fond, nous vend un Antony Bliken, nouveau “patron” de la diplomatie américaine, au motif qu’il serait francophone et francophile. Ce qui n’a pas empêché ce dernier de soutenir la guerre contre l’Irak en 2003, puis d’appeler de ses vœux le bombardement de la Libye, huit ans plus tard. Comme “colombe”, on a vu mieux. Quoiqu’il en soit, notre homme a trois dossiers chauds à son agenda.

Tout d’abord, reprendre la main sur le dossier iranien, depuis que Donald Trump a quitté l’accord international de 2015. Blinken, donc : « Un Iran avec l’arme nucléaire ou sur le point d’avoir la capacité d’en fabriquer une rapidement serait un Iran encore plus dangereux que maintenant. » On ne voit pas très bien en quoi l’Iran serait « dangereux » pour la sécurité intérieure étatsunienne, pas plus que celle d’Israël, mais il doit s’agir là d’une sorte de clause de style.

Pour l’État hébreu, rien ne devrait changer. La reconnaissance par la Maison-Blanche de Jérusalem comme capitale israélienne ne sera pas remise en cause. Pour le reste, la « solution à deux États » continuera d’être privilégiée, toujours sans la moindre chance de succès. Là encore, tout paraît changer pour que rien ne change.

Demeure le gros morceau, la Chine. Mais cet affrontement a été théorisé depuis la chute du Mur de Berlin et Donald Trump n’a fait que dire tout haut ce que les administrations pensaient déjà tout bas. Et le même Antony Blinken cité par Le Figaro du 19 janvier dernier de reconnaître : « Donald Trump a eu raison d’avoir une position plus ferme face à la Chine », tout en ajoutant : « Le principe de base était le bon. »

Pour l'Arabie saoudite et ses satellites, Yémen au premier chef, toujours la même continuité diplomatique : Washington continuera de tordre le bras de Ryad afin qu’il cesse de financer le wahhabisme de par le monde. Donald Trump ne le disait pas autrement, même si de manière moins courtoise.

Et puis, l’Europe… Là où l’homme aux cheveux oranges reléguait le Vieux continent au rayon de l’obsolescence programmée, Antony Blinken entend renouer l’infernal « lien transatlantique », lien que Trump, avec son légendaire cynisme visionnaire, avait passé en pertes et profits. Voilà qui avait été l’occasion – fortuitement manquée – par Emmanuel Macron de reprendre l’Europe en main : les USA s’en allaient en même temps que l’Angleterre, tandis que la puissante Allemagne battait de l’aile. Il n’en fut rien, le Quai d’Orsay étant devenu tout, hormis une officine patriotique ; ce qui n’a pas dû aider à la manœuvre.

Voilà au moins un satisfecit à mettre au crédit de l’ancien président américain, celui consistant à mettre notre Maison commune en face de ses responsabilités. Cette époque est pour le moment finie : les USA sont en bonne voie de reprendre leur leadership sur l’Occident.

Ce que disait Donald Trump à la hussarde ? La même ritournelle que celle susurrée par Joe Biden.

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21 janvier 2021 à 18:35

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