L’historien français Benjamin Stora a remis, le 20 janvier, à Emmanuel Macron, son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie, commandé en juillet dernier.

Au micro de Boulevard Voltaire, Jean Sévillia rappelle qui est Benjamin Stora, « politiquement marqué » et « engagé à gauche ». Cependant, il apporte un regard nuancé sur ce rapport, qui comporte selon lui des propositions intéressantes, prenant compte en partie « le drame des Français d'Algérie » et citant même le cas des Européens disparus lors des massacres d'Oran le 5 juillet 1962.

 

 

En juillet 2020, le président Emmanuel Macron avait chargé l’historien Benjamin Stora de  « dresser un état des lieux sur le chemin accompli par la France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ». Qui est Benjamin Stora ?

 

Benjamin Stora a eu un passé militant d’extrême gauche. Pendant une quinzaine d’années, il a été militant trotskiste dans les années 1970. À la fin des années 1980 et même avant, il a arrêté tout militantisme, tout en gardant un engagement à gauche. Il a officiellement soutenu la campagne de François Hollande en 2012. Ce personnage est marqué politiquement. Il s’est fait une spécialité sur l’histoire de l’Algérie et l’immigration maghrébine. Il a patronné une quarantaine de livres et a dirigé des thèses. Il est devenu aux yeux du monde officiel une sorte de personnage incontournable sur la question de la guerre d’Algérie, alors qu’en réalité c’est une voix reconnue. Il a des compétences indéniables, mais c’est une voix extrêmement engagée à gauche dans une perspective globale, toujours anti colonialiste de principe et en empathie avec le nationalisme algérien. Ce n’est pas un témoin que l’on pourrait qualifier d’objectif.

 

 

Ce n’est pas innocent qu’Emmanuel Macron ait demandé à Benjamin Stora de rédiger ce rapport.  La panthéonisation de Gisèle Halimi, une militante bien connue de la cause algérienne et du FLM a fait polémique.

 

C’est vraiment la pointe émergée de l’iceberg qui en effet fait scandale. Légitimement, je partage totalement un sentiment de scandale devant une telle proposition, mais cela ne serait pas objectif et ce serait malhonnête de réduire le rapport Stora à cette proposition provocatrice et scandaleuse. D’autres éléments sont beaucoup plus mesurés. Benjamin Stora n’est plus l’homme qu’il était il y a trente ou quarante ans. Il a mis, si je puis dire, de l’eau dans son vin. Il a redécouvert ses racines personnelles puisqu’il est issu d’une famille juive d’Algérie.

Dans les propositions de Benjamin Stora, il y a aussi des éléments raisonnables notamment sur le travail de mémoire et sur la question des disparus de la guerre d’Algérie, il cite notamment le cas des Européens disparus lors des massacres d’Oran le 5 juillet 1962 immédiatement après l’indépendance. Attention à ne pas ramener le rapport Stora uniquement à son aspect choquant.

 

 

Avez-vous noté des aspects réellement positifs ?

 

On sait que les Algériens réclament la totalité des archives française sur l’Algérie. Il faudrait qu’on leur livre tout ce qui se trouve chez nous concernant l’Algérie. Benjamin Stora n’épouse pas du tout ce point de vue. Il défend le point de vue historien, scientifique qui est assez raisonnable et qui doit au cas par cas instaurer un système de travail commun entre les chercheurs des deux côtés de la Méditerranée. Il demande la liberté pour les Algériens de venir travailler en France sur certains sujets qui les concernent, mais il demande la réciprocité, c’est-à-dire, la liberté pour les chercheurs français de travailler en Algérie sur les archives de la présence française en Algérie qui sont restées là-bas. Cette vision me paraît assez mesurée. On pouvait craindre le pire avec le rapport Stora et on a échappé au pire.

 

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21 janvier 2021 à 17:55

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