La France doit-elle accueillir les étudiants africains venus d’Ukraine ?

La fermeté affichée par les autorités peut étonner, quand on connaît le laxisme du gouvernement à l'égard des nombreux immigrés économiques, arrivés illégalement en France.
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Bien malin qui pourrait dire ce qu'en pense réellement Emmanuel Macron, tant il entretient le flou sur ses intentions, aussi bien sur son projet en général que sur l'immigration en particulier. Sans doute considère-t-il que c'est pour lui le meilleur moyen de plaire à tous ceux qui se laisseront abuser. Le sort des étudiants africains qui ont fui l'Ukraine et trouvé refuge en France avait déjà été évoqué par la presse il y a un mois, mais, à l'approche de l'élection présidentielle, on n'y avait guère prêté une grande attention et le gouvernement s'était bien gardé de prendre publiquement position, créant une certaine « confusion » selon Le Monde du 22 avril dernier. Aujourd'hui, les choses se précipitent : selon Europe 1, le préfet de l'Ardèche aurait sommé une dizaine d'entre eux de quitter le territoire avant le 20 mai.

L'Ukraine était, après la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Malaisie, une destination privilégiée pour les étudiants africains, attirés par le coût abordable de la scolarité, comme l'indiquait Le Monde du 10 mars dernier. Ils ont fui l'Ukraine lors de l'invasion russe, mais ces étudiants internationaux ne peuvent bénéficier du dispositif de « protection temporaire » car le dispositif d’urgence déclenché par l’Union européenne le 4 mars dernier, cité par Le Monde du 10 mars, exclut « les ressortissants de pays tiers en mesure de regagner leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables ». Ils ne peuvent pas non plus demander l'asile politique, puisque leur pays n'est pas en guerre. Le préfet ne fait donc qu'appliquer à ces étudiants la règle définie par l'Union européenne et reprise dans une circulaire du ministère de l'Enseignement supérieur datée du 22 mars 2022.

Des voix, plus ou moins sincères, se sont élevées pour réclamer que tous les étudiants des établissements ukrainiens, quelle que soit leur nationalité, soient accueillis dans les universités européennes. La section ardéchoise du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a vivement protesté contre la décision du préfet : « Ça nous semble absolument injuste et insupportable », a-t-elle déclaré , toujours sur Europe 1. Un collectif d'universitaires, dans une tribune publiée dans Le Monde du 3 avril, plaide pour un accueil large de tous les étudiants étrangers présents en Ukraine. Quant au ministre de l’Intérieur, jouant les Ponce Pilate, il a laissé à la discrétion des préfets l’examen individuel « du droit au séjour de ces personnes ».

La fermeté affichée par les autorités peut étonner, quand on connaît le laxisme du gouvernement à l'égard des nombreux immigrés économiques, arrivés illégalement en France, à moins qu'elle ne soit de circonstance et ne dissimule des intentions politiciennes, alors que Macron cherche à élargir sa majorité en vue des élections législatives. On aurait tort de croire qu'elle est le signe d'un durcissement de la position du gouvernement à l'égard de l'immigration, qui n'a rien à voir avec la venue d'étudiants étrangers, pour peu que, afin d'éviter les abus et les faux étudiants, on exerce un contrôle sur le caractère effectif de leurs études. Elle est plutôt un signe de duplicité.

La solution ne consisterait-elle pas, puisqu'ils ne sont actuellement pas très nombreux, dans l'examen de la situation de ces étudiants, de la nature de leur parcours et de la possibilité ou non de les intégrer dans des universités françaises pour poursuivre leurs études, en attendant leur retour en Ukraine, lorsque la paix sera rétablie ? Ce serait sans doute moins hypocrite et certainement plus humain que cette apparente fermeté d'un gouvernement qui confond les immigrés clandestins avec de vrais étudiants et qui, pour faire croire qu'il maîtrise l'immigration, s'acharne sur ceux qui pourraient avoir leur place en France plutôt que sur ceux qui n'ont rien à y faire.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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