La délation : un sport national français ?

La délation, c’est comme le cholestérol : il y a la bonne et la mauvaise. #BalanceTonPorc, par exemple, c’est du bon cholestérol, recommandé par les meilleurs thérapeutes de la cause féministe. On peut dénoncer sans preuves, en s’appuyant sur du « déclaratif », la parole de l’une étant forcément supérieure à la parole de l’autre.

Et il y a la mauvaise délation, celle qui sent son populisme à plein nez. Lorsque, par exemple, le député de La France insoumise, François Ruffin, publie sur sa page Facebook le nom des soixante-dix députés de La République en marche qui ont rejeté, d’un bloc et sans discussion, la proposition de loi d'un député LR visant à améliorer la situation des personnes accompagnant des enfants handicapés, on s’empresse, chez certains députés LREM, de dénoncer des "méthodes de voyous", pour reprendre le tweet de la députée de Paris Anne-Christine Lang. "C’est quoi, l’idée ? Qu’ils soient insultés, agressés, violentés ? Sur Internet ? Physiquement ?" L’idée, nous semble-t-il, c’est peut-être tout simplement que ces députés assument pleinement leur décision. Il est vrai qu’on peut se poser, non sans raison, cette question philosophique : les Playmobil® - puisque François Ruffin compare les députés LREM à ces charmants jouets - sont-ils dotés du libre arbitre ?

La réaction de cette députée LREM ne manque pas de sel quand on sait qu’au même moment, plusieurs ministres du gouvernement, sur un tout autre sujet, n’hésitaient pas à épingler les maires qui avaient décidé d’augmenter la taxe d’habitation en 2018. Ainsi, le premier d’entre eux déclarait vendredi, alors qu’il était dans le Puy-de-Dôme : "Quand on prend des décisions, il faut les assumer. Quand je prends des décisions qui sont impopulaires, je les assume. Eh bien, les maires qui ont pris la décision probablement impopulaire d’augmenter les impôts l’assument également." La liste des communes (un peu moins de 6.000) ayant augmenté la taxe d’habitation, dans la grande majorité des cas, semble-t-il, pour compenser la baisse des dotations de l’État, est affichée à tous les coins de rue médiatiques. On pourrait, alors, reprendre les mots de la députée Lang à propos de l’initiative de Ruffin : "C’est quoi, l’idée ? Qu’ils soient insultés, agressés, violentés ? Sur Internet ? Physiquement ?" C’est un peu ça car un hashtag "Balance ton maire" a été lancé, par des zélateurs du parti présidentiel. Certes, cette initiative n’a pas été « labellisée » par le parti et les hiérarques s’en sont désolidarisés. Cette initiative, en tout cas, a fait réagir vivement l’Association des maires de France qui dénonce une campagne de "dénigrement irresponsable". Elle estime que "le gouvernement et le parti majoritaire" portent "une responsabilité majeure dans ce dérapage insupportable" et demande des "excuses publiques". Parmi les maires exhibés au pilori, on trouve Christian Coigné, maire UDI de Sassenage, dans l’Isère. Vendredi, reprochant à Bercy d’avoir publié la liste des communes où la taxe d’habitation a augmenté, il dénonçait "une méthode de voyous, peu glorieuse". Il ajoutait : "C’est tellement facile de se contenter de faire des listes sans expliquer, sans mettre ni en contexte, ni en perspective."

Sur deux sujets complètement différents, on notera la similitude des mots employés par le maire de Sassenage et la députée LREM de Paris. La France, un pays de voyous, donc ? Il est vrai que lorsque, dans la Macronie, certains n’hésitèrent pas, au soir de la victoire, à comparer la prise du pouvoir d’Emmanuel Macron à un braquage réussi en lâchant : "Il faut dire qu’on connaissait le proprio et qu’on avait les plans... Terminons sur une question, tout aussi philosophique que celle sur les Playmobil® : dénoncer les voyous relève-t-il des "méthodes de voyous" ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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