Réaction de José Maria Ballester à l'annonce de « l'exil » du roi Juan Carlos. Il accuse la gauche d'exploiter la situation et de menacer la paix civile. Il rappelle les scandales touchant la gauche et l'importance de la Couronne comme clef de voûte des institutions espagnoles.

Le roi d’Espagne pourrait s’exiler en République dominicaine. Comment cela est-il perçu, en Espagne ?

D’abord, on ne sait pas s’il est en République dominicaine ou au Portugal. Il a quitté le pays samedi soir, deux jours avant l’annonce de son départ. Ensuite, il faut nuancer le mot « exil » pour la bonne et simple raison qu’en général, un exil est forcé, alors que là, c’est volontaire. Il faut être précis sur les termes dans la mesure où il n’est pas mis en examen, qu’il n’a pas encore été convoqué par un juge et qu’aucune information judiciaire n’a été ouverte. Une enquête a été demandée par le parquet général d’Espagne. Les premiers résultats de cette enquête ont été cités dans la presse et son nom apparaît à plusieurs reprises. Pour l’instant, il n’est ni convoqué ni mis en examen. J’insiste sur ce détail.
Ce pays est sociologiquement plutôt à gauche. La grande partie de la population défend des valeurs de gauche. Par conséquent, les critiques fusent, mais ce qui est intolérable, c’est la pression époustouflante des communistes. Il faut respecter la présomption d’innocence. Lorsqu’on se trouve dans la plus grande crise économique, ce n’est pas le moment d’organiser un changement de régime. On voit la bassesse de la gauche communiste de Podemos présente au gouvernement avec plusieurs ministres qui, dans une espèce de déloyauté institutionnelle, profite du cas du roi Juan Carlos, de ses éventuels problèmes judiciaires pour faire un basculement institutionnel majeur, plus précisément un changement de régime. Ce n’est pas admissible.

Pensez-vous que la pression médiatique ne soit pas du tout légitime ?

La semaine dernière, nous avons découvert qu’un des membres du gouvernement régional de La Rioja était titulaire d’une SICAV au Luxembourg dont les actifs s’élèvent à 77 millions d’euros.
Je vous rappelle aussi que la plus grande condamnation pour cette corruption en démocratie est tombée sur le Parti socialiste pour détournement à hauteur de 600 millions d’euros en Andalousie. Cela en dit long. Il faut que la vérité soit établie et il faut aller jusqu’au bout. C’est une mauvaise foi terrible et, surtout, qui met en danger la cohabitation pacifique des Espagnols.
La Couronne a été la clé de voûte du système en 1977-1978, après la mort de Franco. Les écarts financiers et extra-conjugaux du roi Juan Carlos sont, bien sûr, condamnables. Mais il faudrait peut-être voir tout ce que la Couronne a apporté à ce pays, notamment sa présence sur le plan international, la croissance économique soutenue jusqu’à la crise de 2008-2009 et l’ouverture sur le monde. La Couronne est très populaire, en Amérique du Sud, même dans une dictature communiste comme Cuba. On a pu le voir lors du voyage du roi Philippe et de la Reine Laetitia, en novembre dernier.
La Couronne présente beaucoup plus d'avantages que d’inconvénients, pour l’Espagne. Cela dit, pour reprendre l’expression très populaire en France lors du décès du Président Mitterrand, il y a un droit d’inventaire à faire. Les erreurs stratégiques commises par la Couronne depuis quarante ans ou même d’un point de vue constitutionnel dans leurs relations avec le monde politique - le roi Juan Carlos en 2014 ou le roi Philippe depuis dix ans - n’ont pas su populariser l’institution sur une longue durée. C’est une brèche dans laquelle les adversaires s’engouffrent.

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05 août 2020 à 14:00

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