Jean-Paul Delevoye a la mémoire comme un gruyère : pleine de trous. Ce n'est pas une ou deux fonctions, qu'il avait oublié de déclarer en entrant au gouvernement, mais une bonne dizaine ! Selon le journal Le Monde, qui a pu consulter la nouvelle version de la déclaration d’intérêts envoyée dans la soirée du vendredi 13 décembre, il a finalement reconnu treize mandats, dont onze bénévoles. Dix de plus que dans la version initiale ! Ce qui n'a pas empêché le Premier ministre Édouard Philippe de lui renouveler son soutien : « Sa bonne foi est totale », a-t-il déclaré. Pas question d'une éventuelle démission.

Le haut-commissaire aux retraites avait d'abord omis de déclarer sa fonction d'administrateur bénévole dans un institut de formation de l'assurance, l'IFPASS. C'est embêtant, quand même, pour un homme qui a préparé la controversée réforme des retraites ! Aurait-il des connivences avec les fonds de pension ? On apprenait, ensuite, qu'il siégeait, toujours bénévolement, au conseil d'administration de la Fondation SNCF, qu'il présidait l'Observatoire régional de la commande publique des Hauts-de-France, ainsi que Parallaxe, un institut de réflexion sur l'éducation, dépendant du groupe de formation IGS, cette dernière fonction étant rémunérée. On en est maintenant à treize mandats. C'était un homme apparemment très occupé.

Jean-Paul Delevoye regrette son « erreur » : « J’avoue ne pas avoir porté la même attention à ma déclaration d’intérêts, sans doute parce que j’avais le sentiment de ne pas avoir de conflits d’intérêts et parce que j’étais obnubilé par ma déclaration de patrimoine », plaide-t-il, ajoutant : « J'ai fait ces omissions car, pour moi, c'était de l'ordre de l'engagement social. » Ah, le pauvre homme, piégé par son bon cœur ! D'ailleurs, il a promis de rembourser les sommes perçues : selon Le Monde, 78.408 euros au titre de « conseiller du délégué général » du groupe IGS, 73.338 en 2018 et 62.216 en 2019 en tant que président d'honneur du groupe de réflexion Parallaxe. Décidément, cet ancien président du Conseil économique, social et environnemental doit être d'une compétence exceptionnelle pour qu'on se l'arrache ainsi.

On peut s'étonner, cependant, que, l'opposition mise à part, il bénéficie de tant d'indulgence chez les politiciens. Aurait-il des appuis qui lui assurent une certaine impunité ? Certes, ce n'est pas un homme sans qualités, mais les commentateurs ne se sont pas suffisamment demandé pourquoi cette personnalité occupait tant de postes. Ferait-il partie d'une confrérie puissante dans les milieux politiques ? Loin de nous l'idée d'alimenter quelque théorie complotiste, mais depuis la publication de l'ouvrage de Sophie Coignard, Les Francs-maçons, en 2013, chacun peut mieux connaître les arcanes d'un univers que fréquentent beaucoup de personnalités influentes.

Dire qu'on lui a confié l'organisation d'une « consultation populaire » sur les retraites, lui qui jeta à la poubelle une pétition contre le mariage pour tous signée par plus de 700.000 Français ! C'est, à coup sûr, un homme digne de foi. Quoi qu'il en soit, Jean-Paul Delevoye, considéré par ses thuriféraires comme un homme sur qui on peut compter, risque bientôt d'apparaître comme un boulimique de fonctions, fussent-elles honorifiques. Devenu pour le gouvernement un boulet qui le tire vers le fond, il est à parier qu'il sera bientôt lâché.

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15 décembre 2019 à 17:22

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