Isidore nous prend au mot… gentilé
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Quel rapport peut-il bien y avoir entre un Dagovéronien, un Oisillon et un Mal-Peigné ? Entre une Malakoffiotte et une Putéolienne ? On imagine des noms d’oiseaux, des personnages hirsutes ou dans la déconfiture ? Rien à voir. Et ce genre d’éolienne n’a aucun lien, non plus, avec une insulte de paysan exaspéré par la machine à récolter du vent.
Ces noms sont bien français. Ils ont un point commun : ils désignent tous des personnes soumises à l’autorité administrative d’un lieu, et tout à fait respectables. Le nom que l’on donne aux habitants d’un lieu s’appelle le gentilé. S’il est souvent gentil, il est quelquefois très laid.
Un Dagovéronien est donc un habitant de Ville-d’Avray, à l’ouest de Paris ; l’Oisillon est d'Oisy, dans le Nord, et le Mal-Peigné de Martigny-Courtpierre, dans l’Aisne. Une Malakoffiotte réside tout simplement à Malakoff. Et une Putéolienne habite à Puteaux. Avec les 35.000 communes que compte la France, il y a de quoi s’amuser.
Si j’étais clochard, je m’installerais dans cette belle ville tranquille et verdoyante, très proche de Paris : Saint-Cloud. Et je brandirais ma pancarte sur laquelle j’aurais écrit « Je suis un Clodoaldien ». Ce qui me rendrait sympathique auprès des habitants et m’apporterait sûrement un certain revenu de leur part, eux qui sont de vrais Clodoaldiens.
Attention, si vous aménagez à Lourdes, vous serez Lourdais. En revanche, vous pouvez très bien quitter Limoges sans avoir été limogé, mais plutôt Limougeaud. Toujours dans cette région, une Limousine désigne bien une femme de la région du Limousin. Autant que la vache du même nom, une race bien connue ; la limousine est aussi un style de voiture à cheval qui a donné son nom à une forme de carrosserie automobile.
À Longcochon, dans le Jura, habitent 58 Couchetards. La commune s’appelait Longcouchant, du fait de sa situation géographique qui lui permettait de suivre le coucher du soleil ; elle aurait conservé son gentilé lors de l'évolution du nom du fait d'une coquille administrative. Avec Longcochon, vous êtes en droit de vous dire que le gentilé Couchetard est plutôt à coucher dehors, ou à dormir debout, si vous préférez.
Par ailleurs, 153 Moucherons vivent dans le village de La Mouche, en Normandie. Quant aux Marsiens, n’en doutez pas, ils existent bel et bien. Vous pouvez les rencontrer à Saint-Mars-du-Désert, en Loire-Atlantique.
Dans le petit village de Villechien, dans la Manche, habitent les Toutouvillais. Au début du siècle dernier, le curé appelait ainsi ses ouailles. Par affection. Les habitants ont choisi de garder ce sobriquet.
À Bonny-sur-Loire habitent les Bonnychons et, pardon à la Sainte Vierge, ceux qui vivent à Notre-Dame-de-Bellecombe s’appellent les Bellecombais. Et, bien sûr, les Bellecombaises ! On va peut-être s’arrêter là !
Alors, bien sûr, la question que tout le monde se pose est : qui décide du gentilé ou du nom à donner aux habitants d’un lieu ? Si le nom d'une commune obéit à une procédure codifiée par un article de loi, en revanche, rien de tel pour la détermination de son gentilé. Seuls prévalent l'histoire, l'usage ou l'initiative des élus ou même de quelque érudit local. Et le maire peut très bien organiser un référendum, si ses administrés se plaignent de leur surnom.
Terminons genti-ment par un salut aux Bizouins qui habitent un petit village de l’Orne en Basse-Normandie et qui s’appelle… Bizou.
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