Il manque 200.000 personnes dans la restauration. On va aller les chercher en Tunisie…

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« Ils ont permis la récolte. Sans eux, on n'aurait pas pu rentrer 40 % des fruits, ça aurait été catastrophique », disait à l'AFP François-Xavier Ceccoli, producteur et président du groupement Corsica Comptoir, en novembre 2020. Eux, c’étaient les travailleurs marocains venus cueillir les clémentines corses. Une main d’œuvre de qualité, car « la cueillette de la clémentine demande de la précision. Il faut travailler à la main, sur l'arbre, avec gants et sécateur… », écrivait alors La Croix (26/11/2020).

Il faut croire que les Français ont de trop gros doigts pour l’exercice. Idem, d’ailleurs, pour la récolte des fraises et des melons en Vaucluse, l’année suivante, où l’on courait après les saisonniers. À dix jours de la récolte, il manquait encore un bon millier de cueilleurs : en l’occurrence des Tunisiens. Ça n’est pas nouveau, puisqu’un maraîcher expliquait alors, sur le site Vaucluse agricole (23/2/2021), qu’il employait les mêmes ouvriers depuis 2004. Et puis il y a les cerises et les pêches qu’on ne peut plus récolter non plus, notamment parce qu’on interdit aux jeunes gens de grimper à l’échelle : ils risqueraient de tomber.

Dans le Nord, on fait aussi appel aux bras étrangers pour récolter les asperges, autre exemple. Le site professionnel Réussir fruits & légumes écrivait ainsi, le 31 mars dernier, qu’on s’acheminait vers la robotique car « 80 à 90 % de la récolte d’asperges dans la zone de production d’Europe du Nord (Allemagne, Hollande, Belgique, France) est assurée par des travailleurs venus d’autres pays (Europe de l’Est en général) ».

Dans mon enfance solognote, également pays de fraises et d’asperges, les saisonniers venaient de Bretagne. Ces temps ne sont plus et le Sénat qui tient les comptes affirme, dans son rapport Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine : « La France accueille chaque année environ 16.000 travailleurs saisonniers étrangers, qui proviennent en quasi-totalité de trois pays : la Pologne, le Maroc (environ 7.000 saisonniers chacun) et la Tunisie (900 personnes). »

Autant vous y préparer : ça va sérieusement grimper. Et pas pour la cueillette.

Cette fois c’est l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, qui va commander des bras en Tunisie, et pas qu’un peu : à la veille de la saison estivale, il manque 200.000 saisonniers. Depuis le Covid, plongeurs, serveurs et autres aides de cuisine ont déserté la profession sans intention d’y revenir. En effet, écrit La Dépêche (16 mai), « bien qu'une hausse de 16 % des salaires, s'appliquant sur l’ensemble des différentes grilles, ait été négociée en décembre dernier en France, le métier n'attire plus ». Hélas, si des centaines de milliers de postes sont à pourvoir, les conditions de travail sont devenues répulsives.

Difficile, certes, de « vendre » aux jeunes une profession où l’on se retrouve avec des horaires morcelés, privé de soirées et de week-end et souvent contraint de se loger à prix d’or quand les autres cumulent télétravail et RTT. « Outre le travail soutenu que demande la profession, les horaires sont aussi difficilement compatibles avec une vie de famille », reconnaît un secrétaire syndical CFDT de la branche Hôtellerie Tourisme Restauration. Et quand on a goûté aux confinements du quoi qu’il en coûte, eh bien, on se dit qu’une autre vie est possible ! Qu’on ne veut plus passer à côté de l’essentiel et perdre sa vie à la gagner. Que le chômage est là pour réfléchir à une reconversion. Que la fameuse « valeur travail » sent l’arnaque et que, ma foi, si d’autres peuvent le faire à la place…

On a voulu faire de la France le lupanar de l’Europe, le pays aux 90 millions de touristes étrangers, un pays de « service ». Sauf qu’il n’y a plus personne pour assurer le service. Le Français veut aller se faire servir ailleurs, là, justement, où l’on recrute ceux qui vont le remplacer. C’est ce qui s’appelle marcher sur la tête.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 18/05/2022 à 13:17.
Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

112 commentaires

  1. Ne pas oublier aussi les couples modernes et urbains qui nient le « grand remplacement » en cours mais qui le font vivre et prospérer (nounous, femmes de ménage, baby sitting, travaux à domicile et j’en passe) avec une bonne dose de cynisme en plus en payant une partie de ces services au noir (tant qu’on peut encore utiliser cette expression du moins)

    • Je suis d’accord. Je suis inscrite sur Allo Voisins pour de menus travaux quand cela est nécessaire, je fais en sorte de m’adresser à un Français d’origine Française ou origine Européenne, et croyez-moi ils ne sont pas fainéants, ils sont travailleurs

  2. J’ai le souvenir de mon beau-fils, apprenti cuisinier à 16 ans et qui, chaque jour à 14 h, avait déjà travaillé 7 h et repartait pour le service du soir. Pas étonnant qu’il n’ait jamais pratiqué ce métier pour lequel il avait du goût et de la volonté. 20 ans plus tard, il se contente de régaler sa famille.

  3. Niveau salaire, comparaison à leur pays, les saisonniers étrangers choisissent de faire « le sacrifice » de bosser, même dur, dans des conditions de logement précaires, si c’est pour ramener chez eux une coquette somme qui représentera en quelques semaines ce qu’ils gagneraient en une année chez eux… Et le saisonnier français, il s’en sort comment lui? Il doit faire face à des conditions d’hébergement en plus de ses frais fixes mensuels déjà très lourds en France…l’enjeu vaut-il la chandelle?

  4. Dans tous les domaines il y a « problème » de main d’œuvre…
    Qui installe la fameuse « fibre » ? Des gens qui ne parle pas ou peu français et qui travaillent dans des conditions d’un autre temps…
    « L’esclavagisme » est de retour…

  5. Il serait temps de mettre les centaines de milliers de chômeurs au travail ! Idem en ce qui concerne les assistés, bénéficiaires du RSA et autres ! Trop facile de rester chez soi sans aucun frais r (déplacement, garde d’enfants, …) et de voir l’argent tomber régulièrement sur son compte en banque sans lever le petit doigt ! Pas besoin d’un bac +5 pour travailler dans la restauration ou ramasser des fruits. Et ol’Etat adapte d’urgence les formations aux emplois non pourvus …

    • Connaissez-vous le montant du RSA, connaissez-vous le montant des loyers, de l’APL ? Vous ne pouvez pas vivre dignement avec le RSA, à moins de ne pas être d’origine Française. Savez-vous ce qu’est le quotidien avec le RSA, c’est ne pas manger à sa faim, de ne pas pouvoir se chauffer, de ne pas pouvoir vous acheter une paire de chaussure, de ne pas manger de viande, de ne faire aucune fête, ne pas manger le moindre chocolat, ne pas avoir de vie sociale, et marcher marcher marcher

  6. Même si le salaire est rehaussé de 16%, il est simple à comprendre que c’est plus problématique de se déplacer pour des saisonniers français, que pour des saisonniers polonais, marocains, tunisiens… Ces travailleurs étrangers payent chez eux un loyer dérisoire à coté du prix des loyers français. Le saisonnier français va devoir continuer de payer son loyer de domicile et d’ y ajouter celui de la saison.

    • Cependant, le saisonnier peut faire du « camping » ou louer une caravane le temps de la saison.

      • Allez-y gebe39 si c’est si facile que cela.Avec le salaire de misère qu’il gagnera,le saisonnier ne compensera ses coûts et aura fait une opération blanche,(au mieux).

  7. Rien d’étonnant. On parle bien d’aller recruter des médecins dans ces mêmes pays pour combler le déficit prégnant de praticiens dans les innombrables maisons de santé que chaque commune tient à posséder. Un peu comme les ronds-point à une certaine époque.

  8. Je connais des Français installés en GB depuis plus de vingt ans , ils ont deux enfants nés en GB , aucun n’a la nationalité anglaise, ils peuvent voter aux élections locales, mais pas aux élections nationales.
    En France on a la manie d’accorder la nationalité française à tout va, comme on accorde le bac, notre problème est là.

  9. Difficile et délicat travail que la cueillette, surtout celle des « melons »…
    Pourquoi ne pas demander aux ukrainiens plutôt, hein ?
    Après tout les ukrainiens ont « cueilli » le trophée de l’Eurovision, bientôt ils « couperont » la Palme au Festival de Cannes, puis il « ramasseront » la coupe du monde de foot, etc.
    Faut croire que c’est ce qu’il se fait de mieux sur le marché temporaire de la cueillette, non ?
    Même qu’ils font le travail contre la Russie pour le compte des américains !

    • Ils seront « battus » et nous, nous mourrons « ruinés ». Pour le « plaisir » des américains vendeurs d’armes et de gaz.

      • Étant franco-américain c’est ce que je dis depuis le début.
        Cette guerre des usa envers la Russie, est ce qu’on nomme « une guerre par proxy ».
        Officiellement il n’y a pas de soldats américains sur le sol ukrainien, que des mercenaires payés par la CIA et le FBI. Avec l’aide des « amis » européens !

  10. Trop de charges, trop de contraintes, reglementation sur le temps de travail trop de tout pour faire travailler un français. Et que dire de la sécurité qui doit être appliquée si vous lui demandez de monter à 1m de haut. Oh là là. C est tout un bintz. En cas de contrôle vous risquez d avoir à faire à la justice. Et si jamais vous êtes responsable d un accident grave, c est case taule et vous fermez la boîte. Et puis il faut voir l autre côté de la médaille. Comment sont traités ces étrangers ?

    • Certains « étrangers » vont sans doute se faire un accident du travail, pour encore plus profiter du système de protection français.

  11. Dans ma région (Bourgogne du sud) beaucoup de Bulgares viennent pour les vendanges. Il paraît qu’ils travaillent vite et bien.
    J’imagine qu’ils ne souffrent pas du mal de dos, eux…

    • Les Français n’ont pas tous mal au dos, ma mère Française de souche a toujours fait les vendanges (malgré ses 8 enfants) ainsi que certaines de mes soeurs plus tard. Mais les vendangeurs ont été remplacés par une autre population

  12. Mais, bon sang ! il y a 24 pays non actuellement en guerre en Europe, parmi lesquels au moins 7 dont la population a des aptitudes à parler français (sinon, il existe la méthode Assimil) ; sans compter les éventuels russes émigrés. Pourquoi aller chercher outre-méditerranée des africains, sous prétexte que la Tunisie a été protectorat français de 1945 à 1958 ? C’est encore du foutage de gueule planifié selon plan Karlegi…

  13. Grâce à sa puissance l’empire Romain à utiliser en masse des esclaves pour effectuer les travaux ingrats, pendant que les citoyens se prélassaient, puis même les soldats qui avaient fait la gloire de Rome furent remplacés, puis les esclaves ont favorisé l’expansion d’une religion qui accélèrera le morcellement et la chute de l’empire. Toute ressemblance avec une situation existante serait purement fortuite

  14. Et si surtout on arrêtait toutes ces mesures de protection à deux vitesses comme « interdit aux jeunes gens de grimper à l’échelle : ils risqueraient de tomber. »

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