Guillaume Bernard : « Marine Le Pen à 48 % au deuxième tour en 2022 : désormais, elle capte l’électorat de la droite modérée »

Guillaume Bernard

Selon une enquête Harris Interactive réalisée en ligne les 19 et 20 janvier 2021, Emmanuel Macron recevrait 52 % des suffrages, contre 48 % pour Marine Le Pen, au second tour de l'élection présidentielle. Un écart tellement serré qu'il se situe dans la marge d'erreur du sondage, selon Le Parisien.

Analyse de Guillaume Bernard au micro de Boulevard Voltaire.

 

 

Un deuxième sondage est tombé mettant Marine Le Pen à 48 % au second tour face à Emmanuel Macron. Évidemment, le Rassemblement national a fêté ce sondage comme il se doit. Quelle valeur peut-on accorder à ce sondage ?

 

Il est certain qu’un an et demi avant l’élection présidentielle, on a une capture de l’état de l’opinion, mais qui est susceptible d’évoluer. Ce qui est significatif dans les enquêtes réalisées en ce moment c’est cette offre politique qui ne change guère.

Je suis assez étonné par le fait que le sondage Harris Interactive a testé Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Cheminade, mais pas Jean-Frédéric Poisson. Il me semble que les Français attendent un renouvellement de l’offre politique. Dans le cadre d’un non-renouvellement, Marine Le Pen atteint un très bon score au premier tour, même si elle se trouve dans les marges d’erreur pour la pole position. Elle est susceptible d’atteindre un très haut score au second tour de la présidentielle, ce qu’elle n’avait pas réussi à obtenir en 2017.

 

 

Ce sondage confirme-t-il que Marine Le Pen est la bonne candidate pour affronter et faire perdre Emmanuel Macron ?

 

Je ne sais pas si elle est la bonne candidate, mais elle est envisagée par l’enquête d’opinion comme étant la seule candidate crédible pour pouvoir accéder au second tour. Comme vous l’avez dit, il y a un écart extrêmement important entre les deux premiers candidats et les suivants avec un effondrement en particulier de Jean-Luc Mélenchon. Il y a un éparpillement de la gauche.

Cela dit, au-delà du chiffre global, il faut bien faire attention au résultat potentiel au second tour, au transfert de voix et à l’abstention. Bien sûr, Marine Le Pen semble capable de capter un électorat de la droite modérée. Alors qu’en 2017 il n’y avait que 1/4 des électeurs de François Fillon qui avaient voté pour elle au second tour, il semblerait qu’il y en aurait cette fois-ci 1/3. C’est une progression. On voit que la porosité électorale entre la droite et la droite nationale existe. Ce qui explique la progression au second tour. L’affaissement d’Emmanuel Macron est essentiellement l’abstention. L’essentiel des électeurs de gauche n’ira pas ou n’irait pas voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour. Par conséquent, cela fait baisser Emmanuel Macron et mécaniquement parlant fait monter Marine Le Pen.

 

 

Ce sondage dit qu’un électeur de gauche sur deux ne s’abstiendrait en cas de second tour Macron-Le Pen. Il y a effectivement un effondrement total de ce qu’on appelait pendant des années, le front républicain.

 

Exactement. C’est la grande différence avec 2017 et 2022 par rapport à 2002. Rappelez-vous, en 2002 l’entre-deux tour, parce que Jean-Marie Le Pen était au second tour de la présidentielle, il y avait eu des manifestations, des tentatives d’intimidation et un report de voix massif de tous les partis politiques sur Jacques Chirac.

En 2017, il n’y a pas eu de manifestations contre la présence de Marine Le Pen. Cela est un point essentiel. Dans le fond, elle est acceptée dans le paysage politique français.

En 2022, non seulement il semblerait qu’il n’y aura pas de manifestations contre sa présence, mais en outre, des électeurs ne voudront pas faire front contre elle.

C’est évidemment le signe d’une acceptabilité du RN de plus en plus importante, mais pas pour autant d’une adhésion au Rassemblement national. Si Marine Le Pen est en capacité potentielle de l’emporter à la présidentielle, cela veut dire qu’elle sera aussi confrontée à une très grande difficulté pour obtenir une majorité parlementaire aux élections législatives qui suivront la présidentielle.

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Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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