Guillaume Bernard : « La défense de François Fillon est maladroite. Il a choqué l’opinion publique »

Guillaume Bernard : “Jacques Chirac était une girouette politique !”

François Fillon était l'invité, jeudi soir, de l'émission « Vous avez la parole », sur France 2.

L'ancien Premier ministre et candidat à l'élection présidentielle prenait la parole publiquement pour la première fois depuis 2017.

Analyse de Guillaume Bernard au micro de Boulevard Voltaire.

L’ancien candidat à la présidence de la République et ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, est sorti de son silence suite à cette défaite. Comment avez-vous trouvé l’intervention de François Fillon hier soir sur France 2 ?

Dans l’ensemble, je l’ai trouvé plutôt efficace. Il n’était pas forcément convaincant, mais dans la forme il était plutôt serein et marquant. Il était dans la même continuité de ce qu’il a toujours été.
Cependant, je m’interroge sur l’intérêt de cette émission puisqu’il ne pouvait pas vraiment parler du dossier et de l’affaire judiciaire. D’autre part, il se dit retiré des affaires politiques, mais pourtant, il a pris un certain nombre de positions. On peut s’interroger sur l’utilité et la finalité d’une telle émission.


Certains journalistes étaient très offensifs. Dès le début, ils avaient dit qu’ils n’étaient pas juges, pourtant, ils ont parfois eu un ton de procureur.
Fallait-il s’y attendre ?

Il y a une continuité avec ce qui s’est passé au premier semestre 2017. Incontestablement, la précipitation judiciaire a paralysé la campagne de François Fillon. Depuis le début de la Ve République, la droite modérée a été absente au second tour de la présidentielle.
Il fallait d’une certaine manière excuser le comportement ou maintenir le comportement qui avait eu lieu il y a trois ans. Cela dit, la défense de François Fillon me paraît maladroite. De façon générale règle générale, les hommes politiques ne comprennent toujours pas que l’opinion publique est profondément choquée par la distorsion entre les revenus habituels des Français et les revenus que l’on peut obtenir lorsqu’on est dans l’entourage d’un homme politique. C’est le cas de François Fillon.
Tous les couples font ce que François Fillon et son épouse ont fait. Avoir un agenda en commun, avoir une discussion sur les positions à prendre, se donner des conseils réciproques et entretenir des relations sociales. Est-ce que cela vaut 3000 euros par mois ? La plupart des époux et des épouses font cela gratuitement. Je crois que François Fillon n’a pas compris que c’est cette distorsion qui a véritablement choqué les Français et pénalisé sa campagne pour l’élection présidentielle,

L’affaire Fillon date de fin 2016, début 2017. Près de trois ans après, le procès a lieu et tombe juste avant les municipales. On ne fera pas de conspirationnisme, mais on peut tout de même s’interroger sur la pertinence d’un tel agenda…

Je ne peux pas me prononcer sur cet aspect des choses. En revanche, ce qui est certain et pour en avoir discuté avec quelques magistrats, la rapidité de la mise en examen de François Fillon au cours du premier semestre 2017 est extrêmement étonnante.
Effectivement, on peut penser qu’il y a pu y avoir une instrumentalisation dans le but de l’éliminer politiquement. J’avais écrit un article dans Famille chrétienne que l’on m’avait amèrement reproché car j’avais fait l’éloge de l’éthique en politique. Je n’accusais pas François Fillon d’être coupable de quoi que ce soit. En revanche, je pensais et je maintiens que la déconfiture de la perte de confiance des électeurs dans les hommes politiques vient d’un ensemble de distorsions quant aux promesses électorales et aux idées des élus.
L’affaire du mariage pour tous en 2013 a été révélatrice. L’électorat de droite qui a défilé dans les rues était persuadé que ses élus allaient venir le soutenir. Il n’y a eu personne. Cette double distorsion financière et idéologique explique l’échec particulier de François Fillon et, de manière plus générale, la déconfiture des partis politiques et la recomposition du spectre politique. Il y a aussi une exigence d’éthique morale, financière et intellectuelle qui n’est pas au rendez-vous.

Guillaume Bernard
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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