Gisèle Halimi panthéonisée : les pieds-noirs et les harkis insultés

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Cet article a été publié le 09/03/2023.

Au Macronistan, on adore panthéoniser. Depuis qu'il est président de la République, Emmanuel Macron a fait entrer au Panthéon Simone Veil et son mari Antoine, l'écrivain Maurice Genevoix, la vedette de music-hall Joséphine Baker. En mars dernier, c'était au tour de Gisèle Halimi, féministe historique mais aussi défenseur des militants FLN durant la guerre d'Algérie.

Quand le social divise, le sociétal rassemble. Quelle plus belle diversion, en ces temps perturbés par la réforme des retraites, que d'ériger une nouvelle héroïne nationale qui a passé une partie de sa vie à combattre pour l'IVG ? D'où cet hommage national qu’Emmanuel Macron rendait, ce 8 mars, à l’avocat franco-tunisien.

L'occasion, pour le Président, de rappeler sur cet autre sujet combien « Gisèle Halimi a porté la cause de l’indépendance algérienne ». Dans la salle du palais de justice de Paris, sous le regard attentif de son fils Jean-Yves Halimi, mais également de nombreux avocats, Emmanuel Macron a souligné qu’elle « voulut faire de cette condamnée à mort [Djamila Boupacha, activiste du FLN, NDLR] le remords vivant d'une guerre qu'on refusait d'avouer, de traitements indignes que l'on infligeait, de la justice que l'on dévoyait ». Et le Président de poursuivre cet éloge élyséen, sans un mot pour les harkis : « C'est ce devoir de vérité porté dès le début et avec courage par quelques-uns, par Gisèle Halimi et d'autres qu'il nous faut poursuivre. » La suite logique de cette « panthéonisation de notre récit national », selon les mots introductifs de Jean-Yves Halimi, pourrait être naturellement l’entrée au Panthéon de l’icône féministe morte en 2020.

Déjà réclamée maintes fois par des associations féministes, proposée dans le rapport Stora en 2021, l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi avait été sollicitée à nouveau, le 25 novembre dernier, au lendemain du vote par l'Assemblée pour la constitutionalisation du droit à l'avortement, par soixante-seize députés de la majorité. Et l’Élysée confiait, en début de semaine à France Info, que « le processus d'entrée de l'avocate féministe Gisèle Halimi au Panthéon sera mené jusqu'à son terme ».

Mémoire apaisée, vraiment ?

Pour autant, si le Président a appelé de ses vœux, en France comme en Algérie, une « mémoire partagée, reconnue, avant d’être apaisée », cette candidature au Panthéon reste contestée. En témoigne la réaction de Marine Le Pen (cf. tweet plus haut) ou encore cet appel poignant dans une tribune du Figaro rédigée par un collectif de filles de harkis, définitivement meurtries par cette tragédie : « Gisèle Halimi, qui a affiché en plusieurs autres occasions son mépris pour les harkis, n’est pas une femme de réconciliation. »

Fatima Besnaci-Lancou, Dalila Kerchouche et leurs 49 cosignataires faisaient référence à cette émission de 2010 sur France Inter au cours de laquelle Gisèle Halimi avait eu beau déclarer que « chaque avancée des femmes fait avancer la société tout entière », elle qui souhaitait « défendre la cause des femmes » avait quand même établi une distinction entre certaines. Car à la question de Pascale Clark se demandant si « la femme n’est jamais […] la meilleure ennemie de la femme », l’avocat avait pointé du doigt « les femmes harkis. Les femmes harkis, malheureusement, cela existe... » Célébrer la Journée de la femme en donnant ainsi en modèle une femme qui a publiquement méprisé d'autres femmes est pour le moins déplacé, sinon lamentable.

La France et l'armée insultées

Panthéoniser Gisèle Halimi au nom du devoir de vérité permettra-t-il vraiment d'aboutir à une mémoire apaisée ? « Non seulement cela n'apaisera pas les mémoires, mais c'est un camouflet supplémentaire à tous ceux qui ont laissé leur vie en Algérie. Il va rouvrir des plaies qui ne sont pas cicatrisées, c'est une insulte de plus à l'armée et à la France », nous confie Jean-Marie Schmitz, président de Secours de France. Ce dernier ironise sur cette « illustration caricaturale du "en même temps" de notre Président, friand des raccourcis déshonorants pour la France, qui évoque la dette de la France à l'égard des harkis tout en faisant sa repentance sur les massacres soi-disant commis par la police parisienne en répression d'une manifestation du FLN. Sauf que cette fois, il pousse le cran plus loin, puisque Gisèle Halimi incarne la défense de terroristes qui ont ensanglanté Alger. »

Si Emmanuel Macron tient tant à ce travail de « mémoire et vérité » entre les deux pays, et qu'il est à court de bonne idée, qu'il écoute plutôt ces filles de harkis lui souffler le nom d'Henri Alleg, « une personne irréprochable en relation avec la guerre d’Algérie [...] qui avait appelé à reconnaître l’abandon des harkis par la France, mais ce n’est pas le cas de Gisèle Halimi » .

Il y a quelques années, le président algérien devait prendre la peine, entre plusieurs séjours dans les hôpitaux parisiens, de venir lui-même insulter la France au milieu de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, inutile de faire le déplacement, c'est le Président français lui-même qui se charge de dénigrer l'Histoire et le passé français.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:21.
Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

63 commentaires

  1. Foutriquet va passer les 4 ans qui lui restent à la tête du pays à le salir et l’avilir, espérons simplement que nous pourrons limiter les dégâts.

    Cet imbécile n’a même pas remarqué que l’Algérie postule pour le B.R.I.C.S. donc de facto pour un groupe qui serait les ennemis de son idéologie et ennemi de l’Union européenne.

    Au lieu de réduire les échanges diplomatiques et les contacts, il remue le couteau dans la plaie, il voudrait de toute force que le R.N. prenne la suite qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

  2. Il ne viendrait pas à l’idée de qui que ce soit de rendre hommage aux avocats qui ont défendu la cause de l’OAS ; Sauf que ce groupe de combattants étaient le pendant français du FLN ! Ils n’ont pas plus fait d’attentats que les « libérateurs  » mais pour les uns, il fallait leur créer un stature de héros pendant que les autres devaient être relégués au rang de factieux ! Qui a tué le plus de français et d’algériens même après après l’indépendance y compris parmi les groupes concurrents à l’accession au pouvoir dont le GPRA et les communistes ?

  3. Peu de mots pour commenter cette nouvelle ignominie. Les harkis, les pieds noirs et tous ceux qui ont connu cette époque ne peuvent qu’être révulsés par celui que certains d’entre eux ont pourtant élu!!!

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