Général Vincent Desportes : « L’offre de santé de l’armée a été drastiquement réduite depuis les derniers quinquennats »

Général Desportes

Comme annoncé lundi soir par Emmanuel Macron, l'armée est appelée à la rescousse dans cette « guerre » déclarée à l'épidémie de coronavirus. Déjà, dans l'est de la France, un premier avion militaire a évacué des patients vers Marseille et Toulon. Un hôpital de campagne doit être mis en place pour soulager les hôpitaux submergés.

L'armée a-t-elle réellement les moyens d'intervenir ?

Réponse du général de division (2s) Vincent Desportes au micro de Boulevard Voltaire.

https://www.youtube.com/watch?v=3yAKaZHxgj4&feature=youtu.be


Sur LCI, vous aviez dénoncé la démolition des moyens médicaux de l’armée, conséquemment à la baisse des budgets. Que pensez-vous de leur utilisation dans la crise actuelle ?

Absolument. Il est parfaitement normal que les armées mettent à disposition, autant que nécessaire, les moyens dont elle dispose. Cependant, il faut bien prendre en compte que les moyens dont elles dispose ne sont pas illimités. La défense à l’extérieur du territoire national constitue la première de ses missions. L’armée doit conserver les moyens dont elle a besoin pour secourir ses propres soldats engagés au combat aujourd’hui.
Par ailleurs, l’offre de santé militaire a été drastiquement réduite lors des quinquennats de Chirac, Sarkozy et Hollande avec la baisse des budgets, puisqu’on a imaginé que n’importe quelle médecine pouvait faire le travail des médecins militaires. Ce qui est totalement faux !
Par conséquent, le service de santé des armées représente environ moins de 1 % de l’offre publique de soins. Évidemment, l’armée ne peut pas tout. Elle peut sûrement déployer quelques hôpitaux de campagne capables de pratiquer la réanimation, mais ce sera forcément limité. Il conviendra que le gouvernement les utilise véritablement que lorsqu’il faudra faire un effort. Si tous les hôpitaux de campagne dont l’armée dispose encore sont déployés en permanence, l’armée ne sera pas capable de répondre au pic. Le déploiement actuel d’un hôpital à un endroit où il y a un besoin ponctuel est tout à fait normal. En revanche, je pense qu’il faudrait dès que possible le remettre en réserve, de manière à pouvoir faire face au pic de la crise provoquée par ce virus.


Sommes-nous une nation ou un agrégat d’individus ?

Je crois que cette crise sera une opportunité. Nous sommes une société de plus en plus individualiste. On l’a vu dans les crises précédentes. Que ce soit la crise des Gilets jaunes ou la crise des retraites. On voit que nous sommes une société du repli sur soi et de l’individualisme. Or, une nation n’existe que par le collectif. Nous sommes de moins en moins une nation. Je dirais que la résilience ne provient pas de la solidité de chacune des pièces du système. Elle provient plutôt de la solidité des liens entre les pièces, c’est-à-dire, l’élasticité, la capacité à prendre un coup et à rebondir.
Nous avons un problème de résilience. Nous n’avons plus ce lien qui nous permet d’être ensemble et de réagir. J’espère que cette crise nous le montrera et que l’individualisme à outrance et le repliement sur soi ne nous prépare pas du tout aux crises qui vont se multiplier dans le futur et dont nous ne connaissons ni la nature ni l’ampleur ni le lieu ni le temps.
Il faut arriver à reconstruire une nation autour du collectif. Ce qui s’applique au niveau national s’applique au niveau européen. On le voit plus que jamais face à une Amérique qui se détourne de nous. J’espère que les Français et les citoyens le comprendront. Nous avons besoin d’être forts au niveau européen. La survie de chaque ligne de nos nations passe par la construction européenne. Je pense et j’espère que cela sera bien compris et que cela permettra enfin une prise de conscience de la nécessité de la fin des égoïsmes nationaux et individuels. La survie individuelle et nationale passe par la reconstruction de la nation et d’une Europe.

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