François Bousquet : « La peur du Covid règne alors que sa létalité est dérisoire… On ne veut pas mourir »

François Bousquet

À l'occasion de la publication de son livre écrit pendant la période de confinement : Biopolitique du coronavirus. Télétravail, famille, patrie, François Bousquet revient sur le rapport à la mort dans notre société moderne, dans le contexte de la crise sanitaire.

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Vous publiez Biopolitique du coronavirus aux Éditions La Nouvelle Librairie. Que trouve-t-on, dans ce livre ?

Ce livre a été écrit pendant le confinement, mais ce n’est pas un livre sur le confinement personnel. C’est un livre sur la biopolitique. Pourquoi la biopolitique ? Parce qu’aucune société n’a conféré une telle valeur à la vie humaine. On l’a confinée pour la protéger, la prolonger et pour essayer de maintenir cette espérance de vie. En France, les hommes vivent 79 ans et les femmes 85 ans, en moyenne. Le rêve de chacun de nous est d’atteindre ces 79 ans pour les hommes et ces 85 ans pour les femmes. C’est le paradoxe de l’avare. L’avare n’est riche qu’à la mesure de sa pauvreté. Il est riche parce qu’il mène une vie de pauvre. Nous avons des espérances de vie inédites dans l’histoire de l’humanité parce que nous vivons avec beaucoup moins d’intensité. C’est cela, la biopolitique.

L’invitée surprise de cette crise du Covid-19 est la mort. Notre société postmoderne l’avait complètement oubliée ou s’était acharnée à la nier. Elle est finalement revenue à la première place dans nos existences. Peut-on dire que c’est plutôt une bonne nouvelle ?

Oui et non. Oui, elle est certes revenue, mais c’est un virus à très faible létalité. Ce virus est furtif. Ce n’est ni la peste ni le choléra ni la lèpre. Ce virus tue, mais tue faiblement. La mort est réapparue furtivement pendant le plateau de l’épidémie, lorsque les hôpitaux étaient engorgés et lorsque les familles avaient interdiction d’assister au décès de leurs proches. On retrouvait de vieux réflexes, notamment la disparition des rites funéraires dans les grands épisodes de peste.
La mort est-elle réellement revenue dans notre société ? Le fantasme de notre société postmoderne est la surhumanité, c’est la santé parfaite, c’est « la mort de la mort », pour parler comme Laurent Alexandre. Oui, elle a été heurtée, mais à la marge. Notre hantise de la mort nous a poussés à nous confiner. Je ne suis pas certain que la mort réapparaisse.
Sachez qu’au XIXe siècle, un tiers des gens mourrait après 60 ans et les deux tiers des gens mouraient en bas âge, à 20 ans, à 30 ans, d’accident. Aujourd’hui, 80 % des gens meurent après 70 ans. Aucun d’entre nous ne voit la mort avant 50 ans. Nous voyons la mort parce qu’un de nos proches est mort. Et encore, on voit le mort maquillé. On ne voit pas le mort au moment où il meurt.

Avec les différentes mesures sanitaires, on a le choix entre mourir libre et vivre prisonnier, comme s'il fallait abdiquer de notre liberté pour vivre un peu plus longtemps.

Je n’ai rien à ajouter à vos propos, sauf que les Français ne sont pas d’accord avec vous. Ils sont majoritairement pour le confinement. J’ai même tendance à penser qu’ils ont demandé le confinement aux politiques. La peur règne dans la population, mais pas chez moi et chez vous. Le rapport au Covid est très curieux. Les jeunes ont moins peur que les vieux, les hommes que les femmes et les gens de droite que les gens de gauche. Voilà ce que montrent les sondages.
Pour autant, il y a quand même une majorité écrasante de gens qui ont peur du Covid. Allez comprendre pourquoi ! Alors que sa létalité est dérisoire. Il tue beaucoup moins que l’obésité ou qu’une quantité d’autres choses. Tout le monde a peur. Le pouvoir a peur. La biopolitique, c’est l’impératif, c’est le rêve et le mirage que nous vend la société moderne et postmoderne. La mort n’existe pas. On va repousser de plus en plus loin l’échéance, le moment où nous allons les uns après les autres mourir. On ne veut pas mourir…

Que dire à ceux qui ont perdu des proches de cette maladie ? Les mots que vous prononcez ne vont-ils pas heurter ces gens ?

Je n’ai pas perdu de famille du coronavirus. En revanche, des proches en sont morts. De fait, ils étaient presque tous très âgés. Ils avaient au-delà de 80 ans. Le Covid leur a pris dix ans de leur vie. Au lieu de mourir à 79 ans comme la société hygiénique et médicale le leur promet, ils sont morts à 70 ans pour l’un d’entre eux. Ce virus tue faiblement.

François Bousquet
François Bousquet
Rédacteur en chef d’Éléments et directeur de la Nouvelle Librairie

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