« Il faut cent millions d’euros pour sauver Notre-Dame de Paris! »

André Finot, directeur de la communication de Notre-Dame de Paris, explique pourquoi et comment l'archevêché de Paris a décidé de créer une fondation aux États-Unis pour solliciter les Américains afin de sauver Notre-Dame de Paris, en particulier la flèche, la sacristie et les arcs-boutants du chevet, très dégradés. La culture du don y est bien plus développée qu'en France, surtout pour le patrimoine, car les Français se reposent trop sur l’État pour sauver le leur. Cette fondation était devenue indispensable.

Vous avez lancé une souscription aux États-Unis pour financer les travaux de Notre-Dame de Paris. C'est bien cela ?

Oui, tout à fait.
En fait, un universitaire américain qui s'appelle Andrew Tallon, le spécialiste mondial des cathédrales françaises, a eu accès à des parties privatives du monument.
Voyant l'état de délabrement avancé de certains espaces, il nous a alertés en nous disant: "Il faut absolument que vous créiez une fondation aux États-Unis parce que les Américains ont la culture du don. Ils n'ont pas seulement la culture des dons comme les Français pour le Téléthon ou le secours catholique etc. Ils aiment aussi la pierre parce que ce sont des choses qu'ils ne connaissent pas et ils donnent énormément lorsqu'ils ont des coups de cœur pour cela."
Il a donc écrit à l'archevêque de Paris en lui demandant de faire cette démarche. Celui-ci a accepté. Il ne faut pas oublier que la cathédrale est l'église de l'archevêque, il en est le sectataire selon la loi de 1905. Nous avons donc décidé de créer cette fondation aux États-Unis.
La fondation existe évidemment aussi en France puisque nous faisons appel à tout le monde, nous ne visons pas seulement les États-Unis. Nous visons en fait cette culture du don que les Américains ont depuis très longtemps. D'ailleurs, même si nous avons aussi une fondation en France, les fondations en France ne sont que des copies de ce que font les Américains depuis toujours.
Un homme comme John Rockfeller a sauvé Versailles au début du XXe siècle : il a fallu aller chercher aux États-Unis. Les Français ont un peu laissé à l'abandon leurs bâtiments.
Je ne dis pas que les Français abandonnent la cathédrale, car l'État y injecte quand même 2 millions par an, ce qui est colossal. Il faut néanmoins aller chercher l'argent partout.
Il faut savoir que les Américains peuvent défiscaliser 40 % de leur don, sans limites. Contrairement à la France, là-bas il n'y a pas de limites.
Pour que les Américains puissent défiscaliser leur don, il faut quand même créer une structure, une fondation de droit américain qu'on appelle une 501c3. C'est ce que nous avons fait. Nous venons de recevoir l'exemption fiscale du Fisc américain.

Est-ce que c'est pour des réparations exceptionnellement coûteuses ou bien est-ce de manière globale que les Français donnent moins ?

Les Français donnent énormément.
Il suffit de regarder des chiffres du Téléthon ou du Secours catholique. Quand on compare les chiffres de dons, ils sont quand même assez colossaux.
Ils partent néanmoins du principe qu'ils ont un patrimoine colossal, qu'ils payent quand même beaucoup d'impôts et ils ont dans leur esprit, comme c'était mon cas avant de m'intéresser à cette cause, que c'est à l'État d'entretenir son patrimoine.
Le problème est que l'État français a un patrimoine qui est trop riche et on a beaucoup trop de très belles choses que les gens du monde entier viennent admirer. On a cette chance et on ne peut pas malheureusement compter que sur l'État, sinon on ne s'arrêterait pas. Il faut aussi faire appel aux forces vives, qu'on y aille tous ensemble pour sauver....

Combien de millions d'euros faut-il pour sauver la cathédrale, si l'on peut dire ?

On cherche 100 millions d'euros sur 20 ans.
Cela permettrait de réaliser rapidement les travaux sur la flèche. Il faut à peu près 8 millions d'euros pour réaliser d'importants travaux sur la flèche qui culmine à 96 mètres de haut.
Il y a également la sacristie, qui est un ouvrage du XIXe siècle et qui date de la restauration de la cathédrale au XIXe siècle réalisée par Viollet-le-Duc. Elle est aussi dans un état de délabrement un peu avancé.
Il y a aussi et surtout les arcs-boutants du chevet à rénover. Les arcs-boutants sont extrêmement importants dans un bâtiment comme ça. S'ils s'effondrent, c'est le principe de la force, s'il n'y a plus de force, le bâtiment pourrait se coucher.
On n'en est pas là , car l'État, encore une fois, fait le maximum pour préserver tout cela, mais ce serait bien d'accélérer le travail. Quand on a la chance, comme moi, de pouvoir se promener dans ces hauteurs, on est quand même un peu attristé de voir l'état de certaines pierres qui sont vraiment très abîmées à cause de la pollution, des pluies acides, et tout cet environnement qui a été très néfaste et qui a beaucoup abîmé le bâtiment.

Vous disiez 100 millions d'euros sur 20 ans : l'État donne environ 2 millions d'euros pas an, si j'ai bien compris, à l'entretien de la cathédrale. C'est cela ?

100 millions d'euros est un minimum.
C'est un minimum en comptant les aides de l'État. L'État se bat à nos côtés. L'État continue à mettre 2 millions d'euros. On a passé un accord avec l'État pour que chaque euro de mécénat trouvé soit complété par 1 euro de subvention supplémentaire dans la limite de 2 millions par an, pendant 10 ans. C'est donc un effort colossal. L'État nous aide vraiment et ne souhaite pas, à juste titre, abandonner la cathédrale aux mains d'investisseurs privés qui en feront on ne sait quoi après quelques années.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 02/06/2017 à 6:50.
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André Finot
Directeur de la communication de Notre-Dame de Paris

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